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Les j3ux sont faits
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25 janvier 2017

Premier Contact, une nomination aux Oscars méritée

Premier contact est un joli petit film de SF réalisé par Denis Villeneuve, sorti dans une certaine discrétion fin 2016. J'étais assez surprise de voir l'ex-princesse Disney Amy Adams dans un rôle principal, à incarner une universitaire, sans maquillage et sans grande robe sexy. Un personnage féminin intéressant pour autre chose que son physique, en somme. Un film de SF qui se concentrerait sur l'apprentissage du langage me faisait également frémir d'envie. C'est donc sans trop me poser de questions que je suis entrée dans la salle de cinéma après avoir vu un trailer alléchant.

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L'exercice de faire la critique de Premier Contact n'est pas si facile. Comment donner envie à des gens d'aller voir un film qui ne sera pas tout à fait ce à quoi ils s'attendent ? Comment donner toutes mes impressions sans spoiler allègrement l'histoire du film ? Une fois n'est pas coutume, cette critique se divisera donc en deux parties : avant et après. Avant de voir le film, et après l'avoir vu. A vous de vous débrouiller pour le voir entre les deux.

 

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AVANT

Ce long-métrage raconte l'histoire d'une linguiste renommée, Louise, dont le travail va consister à essayer de communiquer avec des extra-terrestres. Ces derniers se sont posés sur Terre et personne ne sait pourquoi ni comment ils sont arrivés, ni d'où ils viennent. Louise va donc devoir, patiemment, analyser le langage de cette civilisation si différente de la nôtre, afin de pouvoir leur poser les questions qui brûlent les lèvres de tous les êtres humains.

Il s'agit de l'adaptation d'une nouvelle de SF. Tout le monde sait que c'est toujours plus facile à adapter qu'un roman, car le format est assez similaire. Même si les personnages vont vivre pas mal de péripéties, même si le film parvient à garder un bon suspense et un rythme intéressant durant 2 heures, on sent qu'au final, le but est plus de mettre le spectateur face à des questions philosophiques que de réellement faire de la science fiction. Ce qui pourrait être un défaut devient en fait une vraie qualité, car là où Premier Contact échoue à faire de la SF pure et dure, il réussit très bien à nous questionner et nous faire débattre. Bon, c'est sûr que j'aurais préféré être au courant avant d'aller voir le film, mais ce fut somme toute une bonne surprise ! D'ailleurs, c'est ce qui devrait rendre le film accessible à un public plus large qu'un simple "film d'extra-terrestres".

Rassurez-vous, la science fiction y est tout de même prétexte à une première partie de film captivante, centrée autour de la communication entre deux civilisations. Grâce à son scénario plutôt malin, elle évite les écueils dans lesquels elle aurait pu tomber (typiquement la question que je me suis posée en voyant la bande annonce "Une civilisation assez avancée pour traverser l'univers est assez intelligente pour apprendre l'anglais, pourquoi est-ce à nous d'apprendre leur langue ?? ", trouve une réponse).

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Et vous savez quoi ? Premier Contact offre également l'une des plus jolies histoires d'amour que j'aie vu au cinéma ces dernières années. J'étais la première étonnée, parce que d'ordinaire, les histoires d'amour qui se greffent sur des films de genre sans vraie raison, ça me gave. Mais là, même si ça n'est pas très subtil, c'est tout à fait adorable. Comme le film lui-même, je trouve d'ailleurs. Malgré une thématique hyper anxiogène, il s'offre une résolution optimiste, décidant de croire au meilleur de l'humanité (alors même qu'il nous en montre le pire). C'est assez rafraîchissant !

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Les deux acteurs principaux, Amy Adams et Jeremy Renner, sont toujours justes, très touchants. C'est agréable de les voir évoluer avec autant de complicité. Même si finalement, leurs personnages manquent un peu de profondeur pour un film qui se concentre autant sur eux... Les autres ne font que passer à l'écran, éléments de décors d'une histoire qui n'est pas la leur. Je suis quand même ravie d'avoir eu les yeux rivés sur une Amy Adams toujours captivante d'un bout à l'autre de ces 2h de film.

Mention spéciale à la Bande Originale que j'ai trouvée magnifique. Le thème principal (que vous ne trouverez malheureusement pas dans le score officiel) est aussi entêtant qu'envoutant, et les compositions de Johann Johannsson donnent une saveur incroyable à chaque scène... là encore, ça faisait longtemps que je n'avais pas autant apprécié une BO. Le travail sur son, en général, est vraiment excellent et contribue à se plonger dans l'histoire.

Bref, Premier Contact est définitivement un film qu'il faut voir rien que pour son traitement inhabituel du "choc des civilisations" et son message doux-amer. Ce fut incontestablement une des plus belles surprises de l'année 2016 !

 

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APRES
*Spoilers à partir d'ici et je l'espère dans les commentaires*

En fait, je pense que tout le monde sera d'accord avec moi, Premier Contact n'avait presque aucun rapport avec le film attendu. J'avais plutôt en tête des films cultes comme Contact ou Rencontre du troisième type. Ou même Le jour où la Terre s'arrêta dont le pitch est proche. Il s'agit pas d'un film de hard science, on ne geeke pas devant de la linguistique détaillée. Ce n'est pas le but du film.

Pour moi, le film est un prétexte à s'interroger sur des questions philosophiques. Bien entendu, il y a toutes les questions sur le destin. Le fameux "que feriez-vous si vous connaissiez le futur ?". Bon, ça, c'est plutôt classique. La principale question, révélée par ce twist final plutôt bien mené, c'est en fait : est-ce que ça vaut la peine de mettre au monde un enfant si on sait qu'il va mourir un jour ?
Qui est globalement la question qu'aucun parent ne veut se poser alors que c'est une réalité de notre monde. La mort est notre finalité, et pourtant on continue, années après années, à donner naissance à de nouveaux humains. C'est un des paradoxes de la conscience humaine. Bien sûr, cette question est ici mise en scène, pour le spectacle, avec cette histoire d'enfant malade, mais la question est universelle et la réponse n'est pas si évidente. On la retrouve dans les grands débats du moment sur l'avortement, par exemple.


Ce que j'ai bien aimé, c'est l'impression qu'à aucun moment le choix que fait Louise n'est présenté comme "le bon choix". D'ailleurs, presque tout le groupe avec lequel je suis allée voir ce film trouvait son choix stupide et argumentait contre. Mais c'est son choix, il est en cohérence avec le personnage, ce qu'il a vécu, avec le fait qu'on dirait bien que cette décision est celle qui va donner un sens à sa vie. En tant que féministe, pro-avortement et qui ne veut pas d'enfants, j'ai vraiment trouvé hyper-intéressant l'éclairage que donne ce film à ces questions. Et le fait que ça nous force à nous interroger. Qu'aurions-nous fait ? C'est un peu mélo, c'est un peu gnan-gnan, mais ça a le mérite de mettre pas mal de choses que nous considérons comme acquises en perspective.

On s'interroge aussi, durant tout le film, sur l'image que nous, en tant qu'espèce, pourrions renvoyer à une civilisation extraterrestre. Même si le film termine sur une note positive, à la limite de la niaiserie (avec ce général sanguinaire qui devient doux comme un agneau à la simple évocation de sa femme), on a un peu honte de se dire que le comportement de l'humanité en temps de crise n'est pas glorieux. Tandis que les heptapodes, patiemment, tentent de nous transmettre une compétence extraordinaire, nous, petites fourmis, serions prêtes à attaquer au moindre doute, à la moindre occasion. Ça nous ressemble bien et c'est aussi ce qui m'a fait apprécier tout particulièrement ce film. Malgré un scénario capilotracté, malgré des clichés ridicules (bouh les méchants russes et les méchants chinois, tout ça tout ça) Premier Contact propose pas mal de réalisme et anticipe intelligemment les réactions humaines.

Globalement, le film arrive de façon assez maligne a évacuer toutes les questions qu'on pourrait se poser sur la cohérence du scénario (et aucune incohérence majeure ne m'a sauté aux yeux, toutes celles que j'ai noté trouvent une explication tacite mais généralement bien montrée par le réalisateur). J'ai lu pas mal de critiques que je trouve totalement injustes avec ce film. Certes, ça ne vole pas très haut (c'etst une bête histoire d'amour, au final) et ce n'est finalement pas si grave que ça. C'est ce qui fait son charme. Cette façon complètement détendue de faire de la SF toute gentille, toute simple, niaise et finalement, assez touchante. Je le répète et je vous mets au défi de trouver une faille, mais chaque incohérence trouve une explication plutôt logique et le "twist" spatio-temporel ne gâche pas le film (comme ça arrive trop souvent à force de vouloir à tout prix avoir un twist). Il reste un film conceptuel, un peu expérimental, mais toutefois très grand public. C'est à mes yeux l'un de ses grands atouts. Si des films de ce genre pouvaient amener un public plus varié voir de la bonne SF au cinéma, je prends.

Bon, il reste un point qui me chagrine. Et là, pour le coup, je trouve ça très maladroit. Internet, omniprésent dans nos vies, est entièrement absent de ce film qui semble pourtant se passer de nos jours. Délibérément oublié. Je suppose qu'il était absent de la nouvelle, publiée en 1998, mais du coup, son absence totale du film était, à mes yeux, une erreur des scénaristes. La prise en compte de l'existence d'Internet aurait changé pas mal de choses au scénario (sans en bouleverser son twist et le déroulement des péripéties). A commencer par la communication internationale, qui se serait faite différemment. J'imagine parfaitement des chercheurs rebelles prenant la décision d'échanger librement des informations confidentielles pour avancer tous ensemble sur leurs recherches avec d'autres chercheurs dans le monde. J'imagine des attentats coordonnés dans le monde entier, pas à cause de la télé mais à cause du grand Internet. J'imagine aussi que Louise et son équipe, face au refus de coopérer de l'armée, auraient pu devenir des lanceurs d'alerte et mettre en ligne tout leur matériel linguistique et en autoriser l'accès à tous les libristes du monde, pour forcer les cerveaux du monde entier à travailler sur le même sujet et avancer plus vite. Du coup, avoir ignoré Internet a, pour moi du moins, minimisé la cohérence du scénario et j'ai trouvé ça dommage. D'autant plus que si le film semble intemporel, la présence de téléviseurs géants dans les salles de classe et d'ordinateurs dernier cri le place quand même à notre époque. Pour moi, ça fait partie du travail d'adaptation d'une oeuvre littéraire à l'écran. 

Je sais : je chipote. (Vous me direz, je n'ai pas gueulé sur la traduction du titre en français, qui en plus d'être inutile, perd complètement le double sens de l'original. Donc je chipote sur ça aussi, merci bien).

 

Bref, vous, qu'avez-vous pensé de ce film ? Parce que pour moi, il mérite amplement sa nomination aux Oscars. C'est un film que j'ai vu surtout parce que la bande-annonce était un peu une arnaque (mais une chouette arnaque), et qui va me laisser un souvenir impérissable. A la manière de District 9, de Neill Blomkamp, c'est une jolie perle qui se sert de la science-fiction pour parler de sujets bien ancrés sur notre planète, dans notre quotidien très terre à terre. Je l'ai trouvé terriblement mignon et plein de bons sentiments. A part sur Disney Channel, c'est pas souvent que ça m'arrive. Et le débat enflammé qu'il a suscité au sein de mon groupe d'amis m'indique que je ne fais pas fausse route sur la réelle volonté de l'équipe de ce film. Ce n'était certainement pas de faire de la science-fiction. Une fois la surprise passée, ça me convient tout à fait.

 

4e
On vous le conseille fortement !

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