L'étrange et fascinante énergie de Doctor Strange
On le sait, Marvel aime faire du neuf avec du vieux. Strange était l'un des héros de comics les plus connus et appréciés des lecteurs... dans les années 60-70. Il a pendant longtemps, par la suite, été considéré comme la part mystique -un peu kitch- de l'univers Marvel (au même titre que Thor), et joué un rôle de vieux sage. Bref, Strange est un personnage cool mais qui avait bien besoin d'un bon petit coup de peinture. Grâce à Marvel Studios, c'est chose faite !
L'annonce d'un film du Marvel Cinematographic Universe (MCU) consacré au célèbre sorcier était plutôt enthousiasmante pour les fans. C'était l'occasion de voir un Benedict Cumberbatch qui, malgré son jeune âge, semblait, d'après les premiers visuels, taillé pour le rôle. Surtout, de voir arriver de la vraie magie au cinéma. Parce que bon, jusqu'ici, les adaptations avaient fait de leur mieux pour éviter l'irrationnel et le surnaturel. Certes, les asgardiens, notamment Loki, font de la magie, mais on nous explique bien que la magie, c'est de la technologie de haut niveau. Bref, Docteur Strange était le personnage idéal pour mettre un coup de pied dans les idées reçues des fans, et intégrer le fantastique à un univers jusqu'ici 100% science-fiction.
Avant même de vous parler plus de ce film, autant que je réponde immédiatement à la question qui vous brûle les lèvres : faut-il aller le voir ? La réponse est oui, sans hésitation, surtout si vous avez apprécié les autres films Marvel auparavant. Dans un genre complètement différent, il est bien meilleur que Civil War, par exemple. Plus cohérent avec lui-même, mieux rythmé, et avec un scénario certes fin mais qui passe bien et n'en fait pas trop, il rappelle sous bien des aspects une autre "origin story", celle de Captain America. Le personnage principal convoque son homonyme de papier, mais s'offre un petit coup de jeune bienvenu. C'est un film très rafraîchissant quand on le compare à la majorité des productions Marvel de ces dernières années.
Du coup, si vous n'aimez pas trop les spoilers, notre chemin se sépare ici.
Doctor Strange est un film qui puise ses sources dans les années 1970, la grande époque du personnage. On y trouve donc des effets spéciaux et des images psychédéliques, et pas mal de scènes ou de décors flirtent avec le New Age. Pourtant, le personnage principal est résolument moderne, et ce contraste est, à mes yeux, la grande réussite de cette adaptation. J'ai envie de croire que la raison pour laquelle j'ai trouvé ce film si bon, c'est qu'il a vraiment était autant pensé pour mon père que pour moi. A cheval entre plusieurs époques, plusieurs cultures, mais définitivement ancré en 2016. La toute première partie du film se concentre sur sa vie de chirurgien à succès (qui rappellera forcément Docteur House sous bien des aspects). Je ne parle pas d'une courte scène d'intro, non. Dans Doctor Strange, on prend le temps de nous plonger dans le quotidien de ce médecin fascinant. C'est très intriguant, de voir ça dans un film Marvel, et ça passe impeccablement bien. Puis s'enchainent un accident, une longue descente aux enfers, une rapide quête spirituelle et enfin, la découverte de la magie. Dire que j'ai été surprise du rythme donné à ce film est un euphémisme : j'ai trouvé ça culotté, inhabituel, cette façon qu'a le scénario de passer autant de temps à nous présenter le personnage, à entrer dans sa psyché. Et si finalement, le fil conducteur est très basique (un type justifie comme il peut le faire de vouloir détruire le monde, et le héros va devoir, malgré lui, le sauver), ce n'est pas bien grave. Ici, nous sommes dans un voyage initiatique, et ce qui compte, c'est le chemin, pas le point d'arrivée. Finalement, on se croirait revenu dans un de ces bons vieux films d'horreur fantastiques des années 1980-1990, qui prenaient le temps d'installer une bonne introduction avant les festivités finales. Le réalisateur Scott Derrikson et sa filmographie composée exclusivement de films d'horreur ne doivent pas y être pour rien.
Malheureusement, à force de centrer toute l'attention autour du héros, on passe complètement à côté des personnages secondaires. Rachel MacAdams est d'une platitude affligeante et son personnage n'a aucun intérêt (pour changer diront les mauvaises langues dans mon genre). Egalité des sexes oblige, les personnages secondaires masculins, notamment le méchant, pourtant campé par le talentueux Mads Mikkelsen, sont également plats et sans grand intérêt. Sachant qu'au total, on doit compter 5 ou 6 personnages nommés dans tout le film, c'est quand même un peu dommage de ne pas leur avoir donné un peu d'épaisseur. Thor parvenait très bien à donner corps à la fois à un héros ET à plusieurs personnages, je ne vois pas ce qui aurait empêché Doctor Strange d'en faire autant. On notera aussi que voir un seul acteur asiatique à l'écran pour un film dont la majorité de l'action se déroule au Népal, c'est un peu abusé. Bref, question acteurs secondaires, c'est pas la panacée aussi bien sur le développement inexistant des personnages que sur la représentativité culturelle. C'est vraiment dommage qu'en 2016, on se retrouve à reprocher ce genre de choses à un bon film.
Heureusement, donc, que Tilda Swinton donne le change, comme à son habitude. On la retrouve ici dans un rôle moins sombre que d'ordinaire, et elle fait partie des aspects vraiment agréables du film. Il y a une certaine alchimie entre elle et Cumberbatch, se dernier se détachant ENFIN de ses rôles de pseudo-Sherlock qui commençaient à lui coller à la peau. Il s'avère très drôle, charismatique et donne véritablement corps au héros de papier. Comme on pouvait s'y attendre, le duo porte une grande partie du film sur ses épaules. Ils parviennent à toujours maintenir l'équilibre entre sérieux et humour, et c'est un exercice plutôt casse-gueule dans lequel ils sont grandement aidés par des dialogues somme toute assez bons. Ce qui compense amplement le fait que l'un des personnages les plus puissants de l'univers Marvel se retrouve, tout comme son cousin Harry Potter, à sauver le monde avec l'aide de 3 sorts et d'une cape magique.
Au final, je pense qu'on ne retiendra du film Doctor Strange ni son scénario basique, ni les performances de ses acteurs principaux, car il y a un point qui écrase de sa supériorité tout le reste. Visuellement, c'est un chef d'oeuvre. Les effets spéciaux sont tout à fait épatants, et vous savez à quel point je peux être emmerdante quand il s'agit de CGI, de problèmes de luminosité, d'ombres, de raccords... Bah là, je me suis juste contentée de me taire et d'en prendre plein les mirettes. Le travail est soigné, et même s'il y a beaucoup de déjà-vu (notamment les effets spéciaux "à la Inception" qui, passé la surprise, sont un peu redondants), il y a de jolies choses, et de jolies trouvailles. La cape du héros est pratiquement mon personnage préféré du film. Les combats sont très beaux, les sigils magnifiques, et tout s'intègre merveilleusement bien dans cet univers mystique. Je me permettrais donc, si vous êtes encore en train de lire pour vous décider à aller (ou non) le voir, de vous suggérer d'y aller à fond et de profiter de la 3D. Il n'y a pas d'effets de jaillissements de pacotille, mais une vraie profondeur qui vaut le détour.
Doctor Strange est clairement un film-spectacle, et il n'essaye pas d'être autre chose. Mais il le fait parfaitement bien. J'ai désormais hâte de voir Stephen Strange interagir avec les autres superhéros, de le voir évoluer, s'émanciper dans cet univers, et surtout, j'ai hâte de voir les petits bijoux d'humour qui pourraient ressortir de sa rencontre avec son alter-ego Iron Man ! Affaire à suivre, donc...
On vous le conseille fortement !