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Les j3ux sont faits
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5 juin 2019

Good Omens, une adaptation prophétisée

Affiche Good Omens

Parmi tous les livres de fantasy, science-fiction et fantastique populaires qui se sont vus, d’une manière où l’autre, portés à l’écran ces dernières années, une œuvre fondamentale brillait depuis près de trois décennies par son absence : le caustique roman De Bons Présages (Good Omens en VO). Hilarante relecture de l’Apocalypse biblique mêlée d’une satire du monde moderne, ce roman sorti en 1990 est dû à la collaboration étroite de deux auteurs prestigieux : Terry Pratchett et Neil Gaiman.

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Et cette absence de l’œuvre dans le paysage audiovisuel était d’autant plus regrettable, que plusieurs projets ont été en chantier de nombreuses années sans succès. Le projet de film par Terry Gilliam a disparu dans les limbes, faute de financement, malgré plusieurs tentatives de résurrection durant les années 2000. Une annonce de Terry Pratchett en 2012 promettait une reprise sous la forme d’une mini-série en quatre parties, réalisée par l’ancien membre des Monty Python Terry Jones, pour une diffusion sur la chaîne britannique Sky One (qui avait déjà, entre 2006 et 2010, porté au petit écran trois romans de Pratchett). Cette première annonce est restée sans suite.

Neil Gaiman

Il a donc fallu attendre 2016 pour qu’enfin se lance avec succès la production d’une mini-série en six épisodes co-produite par Amazon Vidéo et la BBC. C’est Neil Gaiman lui-même qui s’est occupé du scénario de l’adaptation ; la légende veut que l’auteur respecte ainsi les dernières volontés de Pratchett, qui nous a quittés en 2015, et qu’il ait commencé l’écriture dans l’avion qui le ramenait après l’enterrement de ce dernier. Les acteurs Michael Sheen (connu notamment pour son interprétation de Tony Blair dans The Queen) et David Tennant (faut-il encore présenter le 10ème Docteur aux lecteurs de ce blog ?) ont été castés pour les deux rôles principaux, respectivement l’ange Aziraphale et le démon Rampa.

Les six épisodes sont disponibles internationalement depuis le 31 mai 2019 sur Amazon Prime, et devraient être rediffusés dans le courant de l’année sur BBC 2. Tenons-nous là enfin l’adaptation que les fans du livre réclament depuis bientôt 30 ans ? Je vous livre sans plus attendre mon avis, qui sera bel et bon.

Prophéties d'Agnès Barge

De Bons Présages nous emmène donc sur Terre, peu de temps avant l’Apocalypse. Car en effet, les forces du Paradis et de l’Enfer ont décidé d’un commun accord d’en finir une bonne fois pour toutes – il faut se conformer au Grand Plan Divin après tout. L’Armaggedon aura donc lieu samedi prochain, à l’heure du thé. Exactement comme la sorcière du XVIIème siècle, Agnès Barge, l’avait prédit dans son recueil de Belles et Bonnes Prophéties (qui aura son importance, c’était prévu).

Le démon Rampa (Crowley en VO) et l’ange Aziraphale, présents sur Terre depuis les débuts de la création, et devenus au fil des siècles bien plus proches que leurs conditions respectives ne le laissent supposer, ne voient pas d’un très bon œil la destruction d’un monde auquel ils se sont considérablement attachés. En plus, l’Antéchrist, qu’ils étaient censés surveiller depuis sa naissance… n’est pas le bon, l’enfant ayant été malencontreusement échangé. L’ange et le démon se mettent donc en quête de retrouver le véritable Antéchrist, quitte à aller à l’encontre de leurs hiérarchies respectives, et espèrent bien empêcher la fin des Temps… à temps.

Les visuels du génerique sont très inspirés

La première chose qu’on remarque en tant que lecteur du roman, c’est l’extrême fidélité de l’adaptation. Que Gaiman ait lui-même scénarisé la série n’est certainement pas étranger à cet état de fait. La présence d’une voix off (rien de moins que celle de Dieu, interprété par… l’actrice oscarisée Frances Mc Dormand) permet une narration très second degré à la H2G2, mais aussi de caser telles quelles certaines excellentes blagues de l’original.

Une entorse au « show don’t tell » que certains trouvent agaçante mais qui de mon point de vue se prête extrêmement bien à un récit ne se prenant pas au sérieux tel que celui-ci. Car oui, De Bons Présages traite de fin du monde, mais avec un humour bien anglais que les amateurs des Monty Python reconnaîtront sans mal ; absurde et comique de situation se mêlent avec brio et il est rare de ne pas avoir le sourire aux lèvres durant le visionnage.

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Le format en 6 épisodes de 55 minutes permet de couvrir efficacement le matériau de base sans devoir sacrifier de bonnes scènes- bien qu’ajouts, modernisations occasionnelles, et coupures soient présents ici et là. Les non-lecteurs ne seront donc pas perdus pour autant.

Les deux acteurs principaux portent clairement l’œuvre : Michael Sheen en Aziraphale et David Tennant en Rampa sont encore plus parfaits que ce qu’on pouvait espérer. Le cultivé, gourmet et maniéré Aziraphale contraste avec l’exubérant et cynique Rampa – tout en le complétant à la perfection. L’adaptation est très centrée sur les deux personnages et développe considérablement leur relation de meilleurs ennemis voire plus si affinités. D’ailleurs les critiques ne s’y sont pas trompé tant leur relation quoique platonique est selon Gaiman lui-même clairement de l’amour- autant que le concept puisse s’appliquer à des entités surnaturelles, bien sûr.

Rampa et Aziraphale

La plupart des ajouts par rapport à l’original les concernent, comme cette séquence prolongée du troisième épisode nous montrant leurs interactions à travers les âges. Le reste du cast fait un travail plus qu’honnête dans l’ensemble mais est éclipsé par le charisme des deux savoureux acteurs principaux. Points bonus pour la diversité. Mention spéciale à John Hamm qui campe un Archange Gabriel aux allures de manager dynamique, ainsi qu’aux Quatre Cavaliers de l’Apocalypse qui rattrapent en prestance ce qu’ils perdent en temps d’antenne.

On pourra parfois regretter que ces scènes supplémentaires soient introduites au détriment d’autres personnages – ainsi, les sections concernant Adam et les Eux, ainsi que les quatre Cavaliers de l’Apocalypse ont été légèrement tronquées. Mais cela profite clairement au dynamisme du récit.

Les Quatre Cavaliers

L’univers du roman est également dépeint avec une grande fidélité, et c’est un plaisir de naviguer entre le quartier de Soho à Londres, le paisible village de Lower Tadfield où se prépare la fin du monde, le Paradis, et l’Enfer. D’ailleurs, ici, ces deux lieux sont (et pas uniquement pour des raisons budgétaires) à l’image des anges et démons bureaucratiques et incompétents qui les peuplent : des bureaux modernes, ouverts et lumineux pour le Paradis ; un sous-sol glauque et humide vaguement éclairé par des néons défectueux pour l’Enfer.

Le Paradis

Si je devais vraiment reprocher quelque chose à cette adaptation, ce serait au niveau des effets spéciaux. Les quelques monstres et créatures infernales qui apparaissent à l’écran, ainsi que nombre d’effets de flammes et d’explosions, sont réduits à de la CGI bas de gamme qui nous rappelle cruellement que nous sommes sur un budget de série TV/streaming (ou la Playstation 2, au choix). Dommage, d’autant que plusieurs scènes faisant usage de fx plus modestes rendent bien mieux.

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En conclusion, cette adaptation de Good Omens tient toutes ses promesses. Extrêmement fidèle, à l’humour décapant et portée par un duo d’acteurs au sommet, la mini-série est bel et bien l’adaptation que les fans des deux auteurs attendaient depuis si longtemps. Je ne peux que vous conseiller de la voir au plus vite !

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