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Les j3ux sont faits
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3 septembre 2014

Moment Disney : Portrait de Blanche-Neige

L’année 2013 a-t-elle été celle du grand retour de Disney ? La Reine des Neiges, en plus d’avoir raflé deux oscars, a été le plus gros succès du Deux Oscars et un Golden Globe pour La Reine des Neigesstudio depuis son déclin, à la fin des années 1990. Ce nouveau film de princesse vient confirmer la nouvelle direction prise par Disney/Pixar depuis Raiponce. Ce dessin animé avait marqué l’arrivée d’une esthétique d’un tout autre niveau de détail et de sophistication ; malheureusement, il était supposé être le dernier de la lignée des films de princesses - pour la raison absurde que les petits garçons ne pourraient pas s’identifier à ces personnages, alors que ça ne dérange personne que les petites filles doivent s’identifier aux héros masculins. Jusqu’à ce que Disney fasse (enfin !) une découverte cruciale.

La majorité du public de Disney est féminin (quel scoop) !

Cela s’explique de façon simple : la plupart des enfants, filles et garçons, regardent des Disney et des Pixar. Mais alors que les hommes, adolescents puis adultes, cessent de les regarder (sauf les geeks mâles qui restent souvent fidèles à Pixar), les femmes restent un public assidu une fois adulte. De plus, ces femmes ont un pouvoir d’achat bien plus important que les petites filles et leurs coups de cœur ne doivent pas être soumis à l’approbation des parents ; ces consommatrices sont donc une cible de choix, et les princesses un fond de commerce lucratif.

On a alors vu les films de princesses amorcer un grand retour, avec Rebelle en 2012 et La Reine des Neiges en 2013. Plébiscités par la critique, le public et les cosplayeurs du monde entier, ces films ont remis les princesses sur le devant de la scène et toute une nouvelle génération de petites filles s’identifie à Elsa ou Merida, comme leurs grandes sœurs/tantes/mamans s’étaient identifiées à Belle ou Mulan. On nous vante également un nouveau modèle : la princesse active et sûre d’elle, qui ne se contente pas d’attendre le prince charmant. Mais cela ne constitue-t-il pas un jugement hâtif sur nos anciennes idoles ? Quels modèles les princesses Disney nous ont-elles transmis ?

Replongeons-nous donc dans huit décennies de princesses Disney ; et pour inaugurer cette nouvelle série des « Moments Disney », commençons par la toute première d’entre elles.

Blanche-Neige, la Belle des Belles alias Super-Potiche

Affiche de Blanche-Neige (1937)

Film : Blanche-Neige et les sept nains, 1937

Age : 14 ans

Nationalité : Allemande

Statut : Mariée

CV : Princesse Disney officielle, servante, future reine régnante du royaume de son père (et peut-être reine consort de celui de son mari, encore faut-il qu'il soit l'aîné de la famille)

Chansons : Un jour mon prince viendra, Sifflez en travaillant, Je souhaite, Un sourire en chantant

A tout seigneur, tout honneur : la toute première princesse Disney, inspirée du célèbre conte des frères Grimm, est aussi une super potiche. Elle a tous les attributs de la princesse de conte de fée : belle, délicate, gentille et douce. Le studio lui apporte également quelques traits de personnalité qui Blanche-Neige, douce mais un peu neuneudeviennent la marque de fabrique des princesses Disney : une capacité innée à faire amie avec n’importe quelle boule de poils ou de plume et l’habitude de pousser la chansonnette pour un oui, pour un non, même – surtout ! – quand elle passe le balai. Pour que sa voix devienne tout à fait iconique, Walt Disney avait d'ailleurs fait passer à son interprète originale, Adriana Caselotti, un contrat très restrictif qui a saboté sa carrière au cinéma.

Pour les capacités intellectuelles par contre, c'est pas forcément ça. Sérieusement : elle souhaite que son prince vienne la voir, et quand il se pointe, elle s'enfuit en courant... Elle n'est pas non plus du genre directive : les rares fois où elle donne des ordres, c’est pour superviser l’hygiène des nains et de leur maison. Ajoutez à cela toutes les petits animaux de la forêt cités plus haut qui la regarde avec des yeux ronds, et le tableau peut assez vite devenir tout à fait agaçant.

C'est aussi cette princesse bavaroise qui inaugure la série des princesses orphelines puisqu'elle a pour toute famille une méchante belle-mère - je suppose que son père est mort, sinon il ne laisserait probablement pas sa fille être traitée de la sorte. Ne nous lançons néanmoins pas encore dans des analyses à l'emporte-pièce sur les relations familiales vues par Disney : jusque là, le premier long-métrage du studio ne fait que suivre le conte original.

Blanche-Neige, c’est un peu l’anti-icône féministe. Outre son habitude de se coller aux tâches ménagères dès qu’on lui demande et même quand on ne lui demande pas, elle n’a visiblement pas d’autre ambition dans la vie que de se trouver un homme et de mener auprès de lui une vie d’épouzédemère. Sa chanson emblématique est d’ailleurs devenue l’hymne universel au prince charmant et au mariage :

Allez, je vous la mets quand même parce qu’on l’a tous chantée.

Son addiction au ménage est assez emblématique d'une vision de la femme au foyer relativement nouvelle à l'époque. Alors que les bonnes et domestiques tombent en désuétude, on attend de plus en plus de toutes les femmes mariées - même aisées - de nouvelles compétences de fée du logis. Blanche-Neige est donc à tout point de vue la femme parfaite des années 30. Un modèle quelque peu problématique.

Le seul pouvoir de Blanche-Neige, c’est sa beauté. A ce stade, on peut presque parler de superpouvoir : sans sa bonne bouille elle serait morte, morte et re-morte, tuée par le chasseur, chassée dans la forêt par les nains ou enterrée vivante. Ce pouvoir, c'est à cette époque le seul qui soit sans conteste accordé aux femmes : si elles obtiennent quelque chose, c'est grâce à cette prétendue "force féminine", qui leur permet d'obtenir ce qu'elles veulent en provoquant attendrissement et/ou désir - ce que lui reproche d'ailleurs Grincheux, qui prétend ne pas tomber dans ce genre de piège, avant de céder comme tout le monde.

Le seul pouvoir de Blanche-Neige : la kawai-attitude

Armes sur la table ! "Ooh. Elle gagne." - Amy Mebberson

A noter que le baiser final est un ajout Disney volé à la Belle au Bois Dormant, puisque dans le conte, Blanche-Neige se réveille lorsqu’un cahot de trop donné à son cercueil lui fait recracher la pomme. Mais chez Disney, on trouvait sans doute que faire vomir la princesse à la fin du film, c’était pas dans l’esprit du studio – la nécrophilie c’est tellement mieux.

Des circonstances atténuantes ?

Je ne pourrais assez souligner ce point : Blanche-Neige a 14 ans. Je vous jure que je n’invente rien. Repassez-vous le film maintenant, notamment la fin où elle s’en va pour épouser son prince : tout devient vachement plus glauque tout à coup. Et ça explique beaucoup de choses. Si aujourd’hui les ados de cet âge rêvent de devenir chanteuse ou star de téléréalité, les perspectives d’avenir des jeunes filles des années 1930/1940 – comme le confirment les parcours de mes grands-mères – se limitaient assez souvent à se trouver un mari afin de pouvoir déguerpir du foyer parental…

Et puis soyons honnête à 14 ans, on est bête. Même si la plupart d’entre nous sont intimement persuadés d’avoir été plus malins que nos camarades de Blanche-Neige part avec son prince charmant, qui sera bientôt attaqué pour détournement de mineurel’époque, je pense que nous reconnaîtrons tous que ce n’était pas notre meilleure période. Peut-on réellement s’offusquer qu’une adolescente de cet âge et de cette époque soit une ado gentillette et romantique ? Blanche-Neige est représentative d'une époque, il est donc difficile de lui tenir rigueur de ses valeurs surannées et poussiéreuses.

Elle a au moins le mérite de présenter un type de physique un peu original chez Disney : ses cheveux sont courts, ses joues sont rondes, sa taille peu marquée, sa poitrine peu développée ; de toute cette liste, c’est peut-être la seule princesse qui ne rentre pas dans une taille 34 – ou alors seulement parce qu’elle fait 1m20. Etrangement, elle a une certaine ressemblance avec Betty Boop, sans le côté sexy. L’esthétique des héroïnes Disney n’ayant pas toujours brillé par son originalité, sa simple présence est d’ores et déjà un bon point. Malheureusement, son redesign de 2012 a mis à bas une partie de sa singularité en lui faisant gagner plusieurs centimètres en hauteur et en tour de poitrine dans une inutile tentative de sexualisation.

Bien qu’il n’y ait pas de contestation possible de son statut de potiche ultime, il m’est impossible d’être sévère avec Blanche-Neige, icône art-déco, touchante par sa fragilité. Je lui mets 0/20 en badassitude, mais j’ai quand même envie de lui faire un câlin.

A mercredi prochain pour un nouveau moment Disney et le portrait d’une nouvelle princesse !

Princesse suivante

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Commentaires
L
Hello,<br /> <br /> <br /> <br /> Blanche Neige est un des contes Disney préférés de ma puce. Elle adore l’écouter en ligne. J’ai découvert des billets vraiment bien sur les contes,sur le portail pour enfants http://blog.badabim.fr/ . Parfois, j’enregistre même des histoires et j’adore regarder le sourire de ma fille quand elle entend ma voix. :)
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J
Je lui mets 0/20 en badassitude, mais j’ai quand même envie de lui faire un câlin. --> magnifique conclusion! <br /> <br /> Ce premier article est au top, j'attends les prochains avec impatience!
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S
Les autres : merci pour vos encouragements !
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S
Vanta : je sais bien qu'elle correspond à la mode de son époque. ^^ Mais après elle, les princesses Disney ont été fixées sur une autre mode et n'en ont plus bougé. A part à la limite certaines autres princesses "ethniques" (Mulan et à la limite Pocahontas), Blanche-Neige est vraiment la seule qui sort du lot physiquement.
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M
merci pour ce billet plein d'humour! Petite je regardais Blanche Neige, aujourd'hui je lis Causette....peut être car je n'ai pas trouvé les moineaux roses et bleus pour faire mon ménage....j'attends mercredi prochain avec impatience!encore merci!
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