Mercredi, c'est le moment Disney ! Après avoir étudié Blanche-Neige, il est temps d'étudier celle dont le simple nom évoque un destin magique.
Cendrillon, l’exploitée
Film : Cendrillon, 1950
Age : 19 ans
Nationalité : Française
Statut : Mariée
CV : Princesse Disney officielle, souillon, future reine consort
Chansons : Bonjour l’amour, Tendre rêve
On ne présente même plus Cendrillon, tant son prénom est devenu synonyme de conte de fée et d’ascenseur social. Souvent placée auprès de Blanche-Neige au panthéon des princesses potiches, elle n’a pourtant pas le rôle de demoiselle en détresse inactive qu’on lui prête. Elle ne se sort pas des ennuis toute seule, mais elle essaye ; et malgré ses attributs de princesse Disney – douceur, ardeur au travail, amitié avec tout un tas de bestioles – ce n’est pas une poire.
Un peu plus âgée que la plupart des princesses, elle a décidé de prendre son mal en patience, ce qui ne l’empêche pas de manier le sarcasme avec sa marâtre, ou de tenter de frapper à coup de balai son abominable chat. Sa résignation n’est que temporaire, et elle n’attend que l’occasion pour la jeter aux orties. D’ailleurs, quand elle pense que son prince vient la chercher et qu’elle n’a plus à accepter son sort, elle colle sans hésitation son paquet de linge dans les bras de sa demi-sœur pour aller se pomponner.
Les paroles de Tendre Rêve, sa première chanson, sont en réalité très vagues. Elle ne parle pas de prince charmant, juste d'amour, sans plus de précision. Au fond, elle souhaite un peu n'importe quoi qui lui permette d’échapper à sa belle-famille – et donc sa condition de domestique, pour ne pas dire d’esclave. Dans les années 1950, ça a un nom : le mariage.
"Le rêve d'une vie, c'est d'être épouse plutôt que bonniche."
Quand elle rencontre le prince – dont elle ignore alors l’identité – ce n’est donc pas uniquement d’un homme dont elle tombe amoureuse, mais d’une condition et d’un monde auxquels elle rêve : considération, bal, palais, belles toilettes, flirts… Bref, tout ce qui la sort de son quotidien misérable et lui donne l’impression de vivre un rêve. Ce n’est donc pas qu’une question de sentiments, mais de liberté et de dignité retrouvée.
Cendrillon, sans être non plus un personnage particulièrement actif, représente un certain progrès par rapport à Blanche-Neige et plus tard Aurore. Au final, elle en fait tout de même plus que le prince, qui est la vraie potiche-en-chef du film. Déjà, parce qu’elle reste réveillée pendant tout le film – et c’est déjà bien. Ensuite, elle essaie réellement de faire les choses elle-même, même si ses tentatives sont vouées à l’échec. Elle était prête à se faire une robe par ses propres moyens et à partir au bal avec ses belles-sœurs, à aller à la rencontre de l’envoyé du roi, bref : elle ne prend pas pour acquis que tout le monde va systématiquement l’aider - heureusement pour elle que c’est tout de même le cas, parce qu’elle se traîne une poisse assez monumentale.
C’est là que le bât blesse en ce qui concerne Cendrillon : la conclusion de son histoire, c’est que si l’on est suffisamment gentil avec les autres, les choses finissent par nous tomber tout cuit dans le bec car les autres vous le rendent bien : une bonne marraine vient vous filer un coup de main et vos amis les petites souris vous sortent des mauvais pas. Une sorte de retour de karma, d’une certaine façon. Il me paraît évident que, dans la vraie vie, c’est moins simple que ça.
Le film de notre enfance a été doté de deux suites, sorties directement en vidéo en 2002 et 2007. La première, une suite de trois historiettes autour de la vie de Cendrillon au palais est assez laide et mal fichue. Baignant dans une morale très hollywoodienne et parfaitement cucul, elle nous enseigne à être nous-mêmes, et bla, et bla, et bla. Un petit point positif pour la troisième et dernière partie : elle se centre sur le personnage d’Anastasie, qui trouve l’amour auprès d’un boulanger, au grand dam de sa mère. C’est plutôt sympa, à défaut d’autre chose.
La seconde suite, Le Sortilège de Cendrillon, est un peu plus étrange, même si toujours aussi ratée esthétiquement. C’est une sorte de reboot, un procédé pourtant pas vraiment utilisé chez Disney. La méchante belle-mère y utilise la magie de la marraine fée pour revenir dans le temps et transformer le soulier de verre, qui va alors comme un gant à Anastasie. Cendrillon, dépossédée de sa fin de conte de fée, est alors obligée de se remuer jusqu’au palais et de déjouer une kyrielle de pièges avant de parvenir à retomber dans les bras du prince – même si, là encore, elle est un peu aidée. Enfin, lorsque la marraine fée reprend le contrôle de la situation et propose de revenir à la première réalité, sa suggestion tombe à l’eau.
Je n’ai pas encore réussi à me faire un avis sur ce film : est-ce une réécriture réussie d’un conte où l’héroïne est normalement passive ? Ou une tentative un peu stérile de coller à l’air du temps et de donner au studio un vernis pseudo-féministe ? C’est à voir.
Du point de vue du personnage en lui-même, on commence à voir chez Cendrillon tous les schémas qui deviendront incontournables chez Disney : tout comme Blanche-Neige, mais aussi Bambi ou Dumbo, elle se retrouve sans parents pour la soutenir – les autorités parentales de la grande famille de Mickey ayant une vilaine tendance à disparaître ou mourir dans d’atroces souffrances. Quant à son design, il est typique de la jolie fille des années 1950 et pose les standards des princesses Disney. Blanche-Neige était le prototype, Cendrillon est le modèle star !
Même si le fait qu'elle ne s'en sort jamais toute seule peut parfois agacer, Cendrillon est-elle vraiment un modèle si négatif qu'on le dit parfois ? Elle manque certes d'indépendance, mais elle sait fédérer les bonnes volonté autour d'elle, demander de l'aide plutôt que de s'entêter toute seule dans son coin. Au fond, Cendrillon, c’est une fille sympa qui voit le bonheur lui tomber dessus. Ne soyons pas jaloux.
A la semaine prochaine pour parler d'une nouvelle princesse !