Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les j3ux sont faits
Les j3ux sont faits
LJSF est un blogzine communautaire et une association sur le thème des cultures ludiques et de l'imaginaire.
Recevez des alertes par mail quand nous publions de nouveaux articles
Newsletter
15 juillet 2015

Du bénévolat chez les geeks

Ah ! j'ai toujours aimé commencer mes articles par "De tel truc" ou "Du machin chose" parce que ça fait trop sérieux, genre traité philosophique. Qu'on soit bien d'accord : c'est juste une réflexion personnelle, ça ne vous apportera rien de la lire, sauf de me dire si vous êtes d'accord ou pas -en argumentant, hein.

Si l'entité LJSF est entrée naturellement dans le milieu associatif, c'est parce que depuis la création du blog, nous avons eu à coeur de tout réaliser sans demander de contreparties. En fait, le bénévolat a toujours semblé être instinctif, chez nous, au point que récemment, j'en suis venue à me demander si ce n'était pas, un peu, une "caractéristique de geek"*. D'où cet article au titre pompeux.

Le bénévole militant...

Il y a des communautés au sein desquelles le bénévolat semble naturel, voire évident. C'est souvent le cas lorsqu'on parle en même temps de militantisme, d'une grande cause à défendre. Genre les écolos qui veulent, basiquement, sauver la planète : passer du temps à faire des actions sans être payé, ça ne paraît pas un lourd tribut dans ce contexte. Les bénévoles se trouvent aussi lorsque les membres d'une commaunauté forment cette dernière parce qu'ils sont plus ou moins exclus de la société. Je veux dire par là que les associations LGBT, elles n'existent que parce que les gens qu'elles représentent sont des minorités oppressées, et que globablement, si la société acceptait mieux tout ce petit monde, on ne les comparerait plus à un lobby tentaculaire. Probablement que même la Gay Pride disparaîtrait au profit d'un truc qui s'appelerait le défilé arc-en-ciel et qui ne serait qu'un attrappe-touriste.

Le bénévolat s'apparente souvent à une prise de conscience, à une forme de solidarité, à une empathie. En dehors des gens touchés par une discrimination ou une injustice -et leurs proches, les bénévoles ne sont quand même pas nombreux. Souvent, on remplace le bénévolat par le don. C'est un bon moyen de montrer qu'on s'intéresse à la cause, sans se mouiller.

La team LJSF, presque au complet

... et le bénévole sans cause à défendre

Faire don de son temps, de ses talents, c'est autre chose. Ça demande un dévouement, des sacrifices, un désintéressement. Donc autant ça paraît évident quand on parle de grandes causes, puisqu'on se dit "ça en vaut la peine", autant c'est plutôt surprenant quand on l'observe dans le milieu associatif geek. Non parce que, soyons honnête : une association qui promeut les jeux vidéo, les séries, les jeux de société ou encore un sport fictif ou une langue imaginaire, c'est trivial. Ce n'est pas nous qui allons changer le monde. Les gens de Tolkiendil, par exemple, sont formidables,  mais sincèrement, ils ne sauveront pas l'univers. Le monde peut continuer à tourner sans eux. Les associations de rôlistes ne se battent pas pour des droits fondamentaux, ne défendent pas des opprimés, n'ont aucun message primordial à faire passer. MO5, que j'admire au plus haut point, ne pourra jamais se vanter d'avoir changer la vie de milliers de gens. Au pire, tout ce petit monde associatif qui nous entoure ne fait qu'une chose : gaspiller du temps et de l'argent pour des choses futiles.

Quand je dis que je fais partie d'une association, les gens sont généralement admiratifs jusqu'à ce qu'ils découvrent que j'écris des articles sur des sujets qui n'intéressent pas grand monde, que je créée des jeux débiles et que je fais jouer des gens à des jeux de société. "Genre, le Monopoly ?" demandent-ils alors, un peu dépités. La plupart cherche, en vain, à comprendre la raison pour laquelle je m'implique autant. "Mais, si tu aimes les jeux de société, pourquoi tu ne fais pas juste des soirées chez toi, ce serait moins fatigant ?" s'interrogent-ils. Difficile de faire comprendre que ce qui est plaisant, c'est justement de s'engager à faire ça pour les autres. Dans mon cas, ce n'est pas forcément par passion pour les jeux, mais pour l'envie de partager. Aller vers des gens que tu n'aurais pas rencontrés autrement. Bousculer leur quotidien, durant une heure, une après-midi, une journée.

Câlin(s) gratuit(s)

çaParce que je crois qu'il y a un truc viscéral, chez les geeks, c'est le besoin de partager. On va pas se le cacher, on a quasiment tous des problèmes, plus ou moins graves, de sociabilité. Rares sont les gens qui se considèrent comme geeks qui ne disent pas des trucs du genre "en EPS, j'étais toujours le dernier à être choisi dans les équipes" ou "au collège, j'avais un ami, c'est tout. Au lycée, c'était mieux, j'en avais deux ou trois." ou encore "mes parents, ils étaient tellement contents quand ils me voyaient sortir avec des amis". Le geek, il a toujours eu un ou deux pieds dans la marge, et la plupart du temps, sa devise pourrait être "mieux vaut être seul que mal accompagné". Pour certains, c'est du dédain à l'état pur. Pour d'autres, un gros problème d'estime de soi. Quelles qu'en soient les raisons, on en est tous là : durant toutes ces années à se regarder le nombril, on a accumulé une ridicule multitude de connaissances inutiles, on a dévoré des mondes, absorbé des cultures. Du coup, on a du mal à tout garder pour soi.

Bénévole égoïste, altruiste bénévole

Alors on s'associe, on s'engage aux côtés de gens qui ont ce même besoin de partager, de rencontrer, de découvrir et de faire découvrir. On ne fait pas ces activités pour de l'argent, une reconnaissance ou des contre-parties (même s'ils sont bienvenus, en général).  On les fait pour le plaisir. C'est à la fois complètement égoïste et complètement altruiste.

Tenez, un exemple parmi tant d'autres : lorsque LJSF a lancé ses fanzines, j'ai été sidérée de voir l'engagement des gens à nos côtés. Pour le Hero Today / Evil Genius, nous avons lancé l'idée de réaliser un fanzine illustré par des photos de gens déguisés en super-héros. C'est fou de voir comment certaines personnes nous ont proposé leur aide, sans aucune demande de contre-partie, parfois sans même avoir envie d'être en photo dans un fanzine (!). Ces gens ont participé a des shootings photos éprouvants, qui duraient plusieurs heures, dans un lieu qui était parfois très loin de chez eux, habillés en tenues ridicules et faisant les andouilles devant l'appareil sous la chaleur des luminaires.

princesse-condimentdico-man
misanthropia
dark-messiah

Certains ont acheté leurs tenues et des accessoires, prêté leur matériel. Certains ont même refusé de recevoir gratuitement un fanzine, comme maigre compensation pour leur awesomeness. Nous avions l'impression de réaliser un chef d'oeuvre, d'être des héros, d'être la Communauté de l'anneau. Nous avons passé des moments formidables parce que Candice, Richard, Auriane, Achraf, Virginie, Claire, Julie, Ibrahim ou encore Noël sont des gens extra et qu'ils n'ont fait ça que pour le plaisir de le faire et parce qu'ils voulaient nous aider. Là, c'est le moment où je lance plein de petits coeurs virtuels dans leur direction.

Les trucs chiants

Et puis, il y a les trucs chiants. Ceux que tu ne prends aucun plaisir à faire. Ces actions que tu n'effectues pas par obligation, puisque, après tout, c'est une association, c'est bénévole, tu ne joues pas ta vie dessus. Tu ne perdrais rien à ne pas les faire. Mais tu t'y obliges, parce que c'est une contrainte morale que tu t'es fixée. Parce ce que ce qui permet au milieu associatif d'exister, c'est le fait que les gens soient prêts à faire les trucs cool comme les trucs chiants. La compta, se lever à 5 heures du matin, traverser Paris avec des sacs remplis de boîtes de jeux, faire une croix sur une soirée qui avait l'air cool, passer des soirées entières à préparer la prochaine convention, tenir des deadlines, installer un stand à l'arrache, remballer le stand, porter des trucs lourds, manger froid, ne pas manger, animer même quand tu es malade...

Par exemple, mettre en place les quilles du bowling zombie, c'est chiant.
Par exemple, mettre en place les quilles du bowling zombie, c'est chiant.

Et vous savez quoi ? J'échangerais ça pour rien au monde. Tu n'es pas bénévole si tu ne te sens pas capable de remplir ces tâches. Elles mettent en exergue le plaisir que tu as à faire ce que tu aimes. Elles te donnent un petit côté super-héros. Même si tu sais qu'aucun truc chiant que tu fais dans le cadre d'une association de jeu comme la nôtre ne changera le monde, tu as quand même l'impression que c'est pour une bonne raison. Parce que permettre à ta passion de vivre et de se répandre, c'est toujours très gratifiant !

Fruit de la passion (et du labeur)

Dans les milieux geeks, les bénévoles font les choses par passion. Parce qu'à un moment, on se dit "ce délire, je veux en être" et qu'on est prêt à beaucoup sacrifier pour ça.

Ce qui est incroyable, c'est notre capacité à nous engager dans tout et n'importe quoi. On peut aussi bien décider de se lancer dans un défi débile pour le Pi Day (genre écrire un maximum de décimales de Pi sur une tarte...) que contribuer quotidiennement à Wikipédia. Je crois même que, du moment que ça nous intéresse, ce n'est pas l'importance de notre action qui compte, mais seulement notre engouement à son sujet. C'est pour ça qu'il y a des gens qui réalisent de superbes sites Internet de fans, des mods pour des jeux vidéo, qui tiennent des blogs, qui prêtent ou donnent du matériel à des associations, qui s'abonnent à la chaîne Nolife même s'ils la reçoivent gratuitement, qui passent des heures à réaliser de superbes cosplays ou bien qui apprennent le Klingon.

La philosophie du Libre

Qu'est-ce qui fait qu'il existe des projets formidables et fous comme la fondation Mozilla ou Wikipédia ? Que les licences de partage Creative Commons ou les OS libres comme Linux soient aussi présents, depuis aussi longtemps ? Ce n'est pas seulement la passion. Finalement, nous sommes comme les autres milieux associatifs : la conviction est également un facteur important pour s'engager. Un nouveau média, c'est un moyen d'expression qui naît, qui se développe, qui permet à des gens qui étaient pour l'instant sans voix de se faire entendre, et c'est pourquoi une communauté entière dédie une grande partie de son temps à la liberté sur Internet. Au libre-accès à l'informatique. La philosophie du libre est presque politique, proche de l'anarchisme ou du communisme tout en frôlant le libertarisme, avec cette volonté de rendre le monde entier, la culture entière, accessible à tous, pour remettre les compteurs à zéro et offrir la même chance, les mêmes possibilités à tous.

Je ne dis pas que les défenseurs du Libre détiennent la vérité. Je dis juste que c'est peut-être caché quelque part dans notre "ADN de geek". Que ce qui est libre, ce qui est gratuit, ce qui est bénévole, c'est un peu nous. On ne se sent pas obligés de faire de l'argent avec ce qu'on fait par passion, et ce n'est pas parce qu'on ne gagnera pas un centime avec un projet qu'on ne doit pas le réaliser. On est tous bénévoles, peu importe la raison : par passion, par besoin de partager, par conviction ou juste pour se marrer 5 minutes...

Et vous ? Vous vous reconnaissez dans ce portrait du "geek bénévole" ?

 

 

* Note 1 : merci de ne pas relancer l'éternel débat sur le terme geek ou l'existence d'une communauté geek en commentaires. Tout le monde a un avis différent sur le sujet, c'est super, gardez-le pour vous, c'est pas le sujet du débat.
Les gens de LJSF, leurs lecteurs, leur entourage, ainsi que l'écrasante majorité des gens dans le milieu dans lequel LJSF évolue en tant qu'association, semblent plutôt d'accord sur la définition du geek et l'existence de cette communauté. Nous la cotoyons quotidiennement, et globalement, nous la définissons par : communauté de gens qui font des tas de trucs que nous aurions pu/pourrions faire/faisons, qui ont des goûts propres mais similaires aux nôtres et avec lesquels on se sent tout de suite à l'aise parce qu'on a des références communes. Des tas. Et qu'on ne partage pas vraiment avec le reste de la population...


NOTE 2 : cet article a été écrit en mars 2014, mais je ne l'ai retrouvé que récemment dans les méandres du blog, en brouillon, prêt à poster. Pour tout vous dire, je ne sais même plus pour quelle raison je l'ai écrit, ni quel message je voulais faire passer. Je ne sais pas pourquoi je ne l'ai pas fait, et je crois que s'il n'est pas parfait, ça reste un article intéressant, voilà pourquoi je l'ai finalement publié, tel quel.

Publicité
Publicité
Commentaires
B
Et bien moi je suis bénévole dans une grande association qui donne dans l'action sociale et le secourisme. Bref, les bénévoles aident les autres mais je ne me considère pas comme tel. Mon bénévolat ressemble davantage à ton bénévolat, une volonté de partager et de rencontrer des personnes. Si je ne le faisais "que" pour la belle et noble cause, sans y trouver mon compte de partage, je ferai des dons d'argent. Je pense que le bénévolat même en asso "humanitaire" ne repose pas (que) sur une envie de changer le monde sinon les gens iraient une fois et puis se lasseraient.
Répondre
Publicité