DC et Warner sortent leur Joker (et gagnent la partie)
Ces dernières années, les films de super-héros adaptés des DC Comics n'ont pas vraiment réussi à me convaincre. Certes, j'étais contente de voir Gal Gadot reprendre le fouet de Wonder Woman, mais les héros légendaires comme Superman et Batman n'ont pour moi pas réussi leurs récentes apparitions cinématographiques... Cette manie de vouloir faire des films "sombres pour adulte" au point d'en retirer toute substance, ça ne marche pas avec moi. Le trailer pour Joker est arrivé dans ce contexte, proposant un film qui allait probablement être encore plus sombre et plus adulte que la moyenne. Mais ma curiosité était piquée par le concept : faire un film d'auteur indépendant de l'univers cinématographique DC.
J'ai sauté le pas et grand bien m'en a fait. Joker offre non seulement une nouvelle origin story au célèbre méchant, mais se paie également le luxe d'être un grand film. Attention, pas un film d'action classique qui a un potentiel culte, mais un vrai grand film, qui raconte avec beaucoup d'intelligence l'histoire tragique d'un être humain. C'était une belle surprise. La réalisation élégante, l'incroyable jeu d'acteur de Joaquin Phoenix, une histoire bien ficelée, des thématiques qui résonnent dans l'actualité... Pour tout vous dire, je n'ai pas vraiment trouvé de défauts à ce film. Pas beaucoup du moins.
Certes, les personnages secondaires ne sont pas assez travaillés et ça devient vite le Joaquin Phoenix Show, mais en même temps, ça sert plutôt bien l'histoire. Certes, il y a des incohérences ici ou là mais pareil, ça ne dessert pas vraiment le propos du film. En vrai, ce qui m'a le plus dérangée c'est les giclures de sang faites en CGI moche et il y a plusieurs scènes où j'ai eu du mal à suivre les dialogues parce que c'était vraiment trop mal fait. Ouais, mon esprit critique s'arrête parfois à des détails.
Joker est un bon film. Il montre, comme peu d'oeuvres cinématographiques de genre, ce que vivre avec une maladie mentale peut signifier. Jusqu'ici, le Joker n'était qu'un "fou", un méchant qui faisait peur car on ne connaissait pas ses limites. Il faisait peur parce qu'il était fou et comme tous les ennemis de Batman, on devait se contenter de ça comme développement de personnage. Le Joker de Todd Phillips semblait nous faire la promesse d'autre chose... De mon côté, j'avoue que je craignais que ce film ne cherche à nous faire nous appitoyer sur le sort du personnage. Qu'on utilise ses failles, ses faiblesses, ses difficultés pour nous faire sentir de la compassion pour un psychopathe, et je n'étais pas certaine d'avoir envie de trouver le Joker sympathique. Et c'est avec soulagement que j'ai constaté à quel point le travail avait pu être consciencieux sur ce film pour justement éviter ça.
Joker nous montre une forme de vérité - brute, brutale. Chaque passage nous plonge dans le quotidien d'une personne souffrant d'une maladie qui ne lui permet pas de s'intégrer facilement. L'émotion qu'on ressent quand on découvre à quel point chaque minute de sa vie est difficile, elle n'efface jamais la menace qu'il représente et sa maladie n'est jamais présentée comme une excuse. On se retrouve désemparé par moments devant cette dualité - le mal-être d'un homme qui n'a pas mérité ni sa place dans la société, ni la façon dont on le traite... Mais aussi la brutalité et le manque d'empathie du type qui à tout moment menace de céder à ses pulsions. Dans les deux registres, Joaquin Phoenix est parfait. Le scénario nous promène d'une vérité à l'autre, construisant la personnalité d'un Joker fascinant, un véritable anti-héros dans le sens où il n'est justement PAS un héros.
Au passage, il tâcle sans s'en cacher (et j'étais agréablement surprise) la politique sociale catastrophique aux Etats-Unis, tout en, plus généralement, remettant sur le tapis la lutte des classes et critiquant le capitalisme. C'était facile mais c'est toujours appréciable. Surtout quand les discours des politiciens prétentieux sont d'étranges copies de discours de Macron (je vous assure que ça a fait chuchoter et rire dans la salle, on a tous pensé la même chose) et que les exactions du Joker donnent naissance aux premiers Gilets jaunes de Gotham. Le parallèle est plutôt amusant, mais je trouve qu'il veut dire quelque chose d'important : tout est politique, et Joker ne s'en cache pas.
Il était aussi beaucoup plus violent que ce à quoi je m'attendais - et même si j'ai bien compris que ça avait choqué des gens dans ma salle de ciné, je pense là aussi que c'était le bon choix. Bref. Qu'il s'agisse des sujets traités, de la façon de les traiter, ou tout simplement de redorer le blason des films tirés des comics DC, Joker fait très bien le job. J'étais vraiment contente de le voir et je pense qu'il va devenir un classique.
Ma seule réelle déception est qu'il s'agit d'un one shot et qu'il y a des risques pour que je ne puisse jamais voir ce Joker face au futur nouveau Batman - et ça, je peux vous dire que ça m'aurait fait plaisir. J'espère que le succès du film poussera Warner à y penser - après tout, ils auront besoin d'une locomotive aussi efficace que ce bon vieux Joker pour faire revenir ce bon vieux Batman sur les rails du succès.
Vous ne pouvez pas ne pas le voir !