Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les j3ux sont faits
Les j3ux sont faits
LJSF est un blogzine communautaire et une association sur le thème des cultures ludiques et de l'imaginaire.
Recevez des alertes par mail quand nous publions de nouveaux articles
Newsletter
25 octobre 2018

Quand King rencontre Romero

Tous les ans, à l'approche d'Halloween, je m'intéresse à une thématique particulière et cette année, il s'agissait des adaptations de romans et nouvelles de Stephen King. Je me suis vite rendue compte que faire un article sur la cinquantaine d'adaptations (et là, je ne parle que de cinéma) des oeuvres du King, c'était beaucoup de boulot et pas forcément très intéressant. Par contre, en fouillant un peu, j'ai découvert un lien très intéressant entre Stephen King, le maître de la littérature d'horreur, et Georges A. Romero, le maître du film d'horreur. Et je me suis dit que cette histoire, elle, méritait d'être racontée.

George_romero_and_stephen_king

Stephen King est probablement l'auteur dont on a le plus adapté d'oeuvres au cinéma et à la télévision, il fallait bien se douter qu'un jour, il rencontrerait Georges A. Romero, le papa de la saga des zombies ("of the dead"). Le livre Salem (Salem's Lot) a été publié en 1975 et immédiatement, la Warner signe pour en faire une adaptation. C'est Romero qui est pressenti pour réaliser le film, et qui commence donc à travailler sur l'adaptation de ce best-seller. Les deux hommes se rencontrent donc pendant la préproduction du film. Romero vient de terminer Martin, un film avec un joli succès critique, et on lui demande d'aller dans le Maine pour rencontrer le fameux Stephen King. Les deux hommes sympathisent, et Stephen King lui confie un exemplaire de The Stand en lui disant qu'il n'est pas certain d'avoir envie qu'il soit adapté. En tout cas, il ne le sera pas par Romero ! Ce dernier commence donc à travailler sur Salem mais quitte le projet quand celui-ci devient une mini-série (à cette époque, la mini-série n'a pas les lettres de noblesse qu'elle a aujourd'hui). Malgré tout, il reste en très bons termes avec le jeune écrivain.

DCHgcC4

Au début des années 1980, la première collaboration entre les deux hommes voit le jour : il s'agit du formidable film d'horreur à sketches Creepshow, né de l'imaginaire des deux hommes. Il est en partie scénarisé par Stephen King, qui joue également le personnage principal de l'un des segments, et entièrement réalisé par Romero. C'est une belle réussite et c'est notamment l'occasion pour Stephen King, grâce au soutien de son ami, de se frotter directement au cinéma, sans passer par la case "adaptation". Les fans savent que malheureusement, ses autres tentatives pour écrire des scénarios originaux ou réaliser des films se sont souvent soldées par des échecs... Mais Creepshow est un exercice qui réunit les deux hommes autour d'une passion commune pour les histoires effrayantes, et je pense que la cohérence et l'intelligence du film s'appuient vraiment sur les complémentarités de ses deux auteurs.

Dans la foulée de Creepshow, Romero commence à travailler sur l'adaptation de Simetierre, dont Stephen King signe le scénario. Après avoir refusé de vendre les droits à plusieurs acheteurs intéressés, il les vend assez naturellement à son ami, et la perspective d'une nouvelle collaboration est alléchante. Mais c'est une période chargée pour Romero, en pleine production de Monkey Shines, un film qui reste à mes yeux un petit chef d'oeuvre. Finalement, il cède sa place à la réalisatrice Mary Lambert qui, avouons-le, fera un travail formidable sur ce film.

the-dark-half-movie-poster-1993-1020208740

C'est finalement au début des années 1990 que sortira la seconde collaboration du duo (collaboration assez limitée puisque Stephen King ne travaillera pas sur le film), l'adaptation par Romero (au scénario et à la réalisation) de La Part des Ténèbres, un livre qui vient tout juste de sortir. Pas de chance, les soucis s'accumulent : confronté pour la première fois à un gros budget et au caractère particulier des "divas" d'Hollywood, Romero subit un tournage éprouvant, et le montage final termine en retard suite à la faillite d'Orion Films. Au final, le film sera un échec au box-office - ce qui me fait un peu de peine, car le film est vraiment très bon, et Romero s'est attaché autant que possible à respecter le travail de son ami.

En étant un peu attentif, on se rend compte que les deux hommes sont très présents dans la vie l'un de l'autre - et dans leurs oeuvres. Le roman Christine, qui sort en 1983, juste après leur collaboration sur Creepshow, est dédicacé à Georges A. Romero et à sa deuxième femme. Ce ne sera d'ailleurs pas le seul livre à être dédié à son ami, c'est également le cas des années plus tard du petit roman Cellulaire, dont l'histoire rend hommage à l'oeuvre de Romero. Stephen King fera également quelques apparitions dans les films de Romero : c'est par exemple lui qui prête sa voix au présentateur radio de Diary of the Dead et on peut aussi l'apercevoir dans un caméo dans le film Knightriders.

set-creepshow

George Romero and Stephen King, photograph by Curtis Knapp for Esquire, January 1982

Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que je suis une très grande admiratrice de Romero. C'est l'un de mes réalisateurs préférés. A sa mort l'année dernière, Stephen King a écrit un touchant message, déplorant le départ de "son collaborateur préféré - et son vieil ami". Et je me suis rendue compte que je ne savais pas que ces deux hommes pour lesquels j'éprouve une telle admiration avaient vécu une si longue histoire ensemble, faite de collaborations discrètes et d'échecs. Pourtant, leurs histoires personnelles sont intrinsèquement liées à toutes ces étapes vécues en commun. La collaboration de deux étoiles montantes, la première plongée dans le monde du cinéma de King, le premier film à gros budget de Romero... Pour moi, c'est un peu comme s'ils s'étaient appuyés l'un sur l'autre à un moment crucial de leurs carrières.

Stephen King n'a jamais caché qu'il n'aimais pas très souvent les adaptations de ses romans. Pourtant, son histoire d'amitié avec George A. Romero, tout comme celle avec Frank Darabont qui débutera plus tard (dans les années 1990), c'est très significatif : si vous voulez voir de bonnes adaptations de ses romans, commencez par aller voir les films sur lesquels il a travaillé avec ses amis. Si le célèbre auteur a bien profité des billets verts offerts par Hollywood, s'il a toujours montré un grand intérêt pour le cinéma, il n'a jamais caché son incompréhension de cet univers, sa réticence à adouber des cinéastes. Romero fait partie de ces quelques cinéastes qui ont gagné la confiance de l'écrivain parce qu'ils partageaient une vision commune du monde Et moi, je trouve que c'est une belle histoire, et ça a permis la création de deux films que j'apprécie énormément.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité