Z-O-M-B-I-E-S, le gentil film de genre de Disney Channel
On pensait que les zombies n'étaient plus vraiment à la mode, la hype de début des années 2010 étant retombée gentiment, avec quelques soubresauts, laissant les fans d'horreur à la recherche d'une nouvelle figure de proue. C'est donc avec un certain étonnement que j'ai vu Disney entrer en jeu, complètement à la bourre sur le reste du monde, en annonçant pour 2018 la sortie d'un Disney Channel Original Movie sobrement intitulé "Z-O-M-B-I-E-S". Que venaient-ils faire dans cette galère, les gens de chez Disney ?
Soyons clairs, ce qui me choque c'est plutôt le timing tardif que le fait d'avoir voulu faire un film pour adolescents avec des zombies. Je l'ai toujours dit, le zombie se prête facilement à l'exercice de la caricature et surtout, il allait forcément venir le temps où il passerait du monstre sans cervelle au statut d'être humain comme les autres. Warmbodies, I Zombie, les œuvres qui mettent en valeur le zombie comme personne ont eu pas mal la cote ces dernières années. Du coup, ça m'a intriguée. Déjà parce que de manière générale j'aime bien les DCOM, ensuite parce que je me demandais ce que Disney allait faire de ses zombies. Spoiler alert : je n'ai pas été déçue, bien au contraire !
Parlons quelques minutes de l'équipe technique, si vous voulez bien. Je trouve qu'elle nous éclaire beaucoup sur le contenu du film.
Le compositeur George S. Clinton est plutôt réputé pour des BO de films de genre, de comédies pour la télévision et de nanars (Mortal Kombat, le film, les gens !) et il avait précédemment signé la fort sympathique BO d'un autre téléfilm Disney Channel, un spin-off de High School musical centré sur la fabuleuse Sharpay. Sa présence fait complètement sens dans un film à la croisée de ses influences. Sans être particulièrement mémorable, la musique est très agréable et si vous êtes comme moi, vous vous retrouverez très vite à chantonner sur les refrains. Ou alors vous resterez complètement perplexe comme devant BAMM, probablement la chanson la plus WTF du film.
(On fera semblant de ne pas reconnaître le plagiat de certaines chansons de Mickaël Jackson, puisque bizarrement, pas de trace de Thriller...)
Le réalisateur Paul Hoen est quant à lui un pur produit Disney Channel. Il a réalisé une tripotée des moins mauvais DCOM sortis ces 15 dernières années, du musical ou non, avec plus moins de succès mais globalement, ses films sont plutôt dans le haut du panier. Les films et séries pour ado, c'est vraiment sa spécialité. Point remarquable en sa faveur : il est le réalisateur principal de l'excellente série Andi, probablement la série live la plus qualitative de la chaîne. Avant ça, il avait réalisé la nullissime série Jonas, dont j'étais tombée amoureuse à l'époque justement parce que sa réalisation était particulièrement bonne et originale, qu'il y avait une vraie proposition. Je vous le cache pas, j'étais déjà acquise à sa cause avant de voir le film. La première chanson du film m'a immédiatement mise dans l'ambiance, avec son super travail sur les couleurs, les sons associés aux chorégraphies, le tout très classique et pourtant je trouve que ça claque.
Côté acteur, pas de grande tête d'affiche, Disney ayant probablement préféré éviter de mêler ses stars du moment à un projet aussi atypique. Les deux acteurs principaux sont issus de Broadway mais ça n'a empêché personne d'user (abuser) de vocodeur pour toutes les chansons, ce qui me laissera toujours perplexe, parce que DISNEY CHANNEL MAINTENANT IL FAUT ARRÊTER LE MODIFICATEUR DE VOIX C'EST PLUS POSSIBLE. Par contre, je les trouve vraiment super mignons, les deux acteurs principaux. Ils éclairent mon petit écran. Je vous laisse juger devant la chanson Someday, qui a des maladresses (on notera une mise en scène cheloue avec des accessoires improbables, des petits problèmes de lipsync vers la fin, et des paroles parfois un peu convenues), mais on se prend vite d'affection pour ces deux personnages et je sais pas vous, mais j'ai envie de chanter avec eux.
Étonnamment, les deux scénaristes David Light et John Raso n'ont pas écrit grand chose de connu... mis à part un pilote de série TV intitulé "Zombies and cheerleaders" qui racontait peu ou prou la même histoire. Un pilote tourné en 2012, jamais diffusé et dont la série n'a jamais existé. Voilà donc la raison du retard de Disney à sauter dans la fange avec les zombies ! Bien avant Z-O-M-B-I-E-S, Disney Channel avait déjà travaillé sur ce projet mais il était resté dans les cartons, probablement parce que le format série ne convenait pas. Voilà un mystère résolu. Je crève d'envie de voir le film d'origine, du coup.
Maintenant que nous avons une meilleure idée du contexte de Z-O-M-B-I-E-S, et si on s'attaquait au film ?
Pour commencer, pas de risque d'être déstabilisé par ce nouvel univers : on y a appliqué à la lettre la recette miracle DCOM. Comme dans Descendants, Teen Beach Movie ou leur ancêtre High school musical, on se retrouve face à deux adolescents qui appartiennent à deux "mondes" différents et opposés, mais qui s'aiment et vont briser les barrières. Disney-style. Là où Teen beach movie tenait sa filiation de West side Story, Z-O-M-B-I-E-S se rapproche du sublime Pleasantville, autant par son histoire que son joli travail sur les couleurs. Je lui trouve pas mal de points communs avec Hairspray également. Bref, c'est du déjà-vu au pays des contes de fée, si vous n'avez pas aimé les précédents vous n'aimerez pas celui-ci.
Comme pour tous les DCOM cités ci-dessus, le scénario ne va pas très loin. Cousu de fil blanc, il se déroule à toute vitesse, les péripéties s'enchaînant entre deux chansons plutôt légères et parfois même insipides, le plus souvent reprises une seconde fois dans le film. Il ne prend pas vraiment la peine de construire ses personnages, qui sont plutôt caricaturaux. Mais bon, ce que je reprocherai à n'importe quel film sorti au ciné ne compte pas vraiment pour un film Disney Channel. A l'heure actuelle, il n'y a que le génial Lemonade Mouth qui a le droit à être considéré à mes yeux comme un "vrai" film. Non, ce que je cherche dans un DCOM musical, c'est de retrouver le plaisir de voir des clips bien mis en scène et des chansons qui restent en tête. Si c'est drôle et avec des références, c'est encore mieux !
Du coup, oui, Z-O-M-B-I-E-S est drôle. Au premier degré, il y a plein de petits moments marrants, de clins d'oeil amusants en arrière-plan (les substituts végétaux de cerveaux ont fait ma journée). J'imagine qu'il y a des gens qui ont aimé le film au premier degré, hein, mais moi, je trouve que c'est au second degré qu'il s'apprécie le plus. Il y a beaucoup de moments complètement improbables, on voit bien qu'une fois le scénario convenu rédigé, les gens qui ont créé ce film se sont surtout fait plaisir. On touche, on frôle le nanardesque bien souvent, mais je trouve qu'au fur et à mesure c'est plus de la tendresse que de la moquerie qui s'installe. J'ai ressenti la même chose avec Descendants : une fois qu'on a accepté une suspension totale de crédibilité, une fois qu'on a absorbé les bases branlantes de l'histoire, il est meilleur à chaque visionnage. En tout cas, j'ai beaucoup ri avec ce film, je me suis gentiment moquée, j'ai passé un super moment.
Je disais plus haut qu'il y avait des références. Ce n'est pas la compilation de références que ça aurait pu être mais on ne peut pas s'empêcher de les noter. Les zombies sauce Disney sont de vrais zombies "classiques", transformés à cause d'un accident nucléaire, au teint cadavérique et surtout... et bien sûr, qui se nourrissent de cerveaux. J'aime bien le fait d'avoir vraiment insisté sur l'aspect le plus ridicule de l'évolution du mythe du zombie. A mes yeux, les gens qui ont écrit cette histoire connaissent l'histoire du zombie, sa signification, et n'ont pas juste utilisé le monstre pour son nom ou pour la hype. Et ça, ça fait vraiment plaisir. J'adore le fait que tous les zombies de l'histoire soient issus de la classe ouvrière, qu'il y ait un véritable aspect de lutte des classes qui ferait vraiment plaisir à ce vieux zombie de Romero. J'adore le fait qu'il existe une langue et une écriture zombie. J'adore le fait qu'il y ait ce "bracelet" qui permet de contrôler les pulsions des zombies. J'aime le fait que cette histoire pourrait complètement se situer "50 ans après" un classique du cinéma. Sans compter qu'ici aussi, le zombie symbolise "l'autre", l'étranger, le type qui est comme nous mais différent... Tout en ayant clairement un autre aspect "malade" qui provoque une peur irrationnelle. Du point de vue de l'utilisation du zombie dans un film, Z-O-M-B-I-E-S fait un presque sans faute. Traiter, même avec énormément de légèreté, même au second plan, de sujets qui rappellent l'apartheid et le Sida, c'est une bonne utilisation du zombie. Bon, même si on n'en demanderait pas trop, dans un film qui traite de l'apartheid, d'avoir un peu plus de premiers rôles de couleur...
Je vous ai spoilé un peu plus haut quelques références, notamment à d'autres comédies musicales. Auto-référence oblige, on ne peut pas s'empêcher de penser à High School Musical avec ses clubs sportifs qui dansent sur le terrain, ses symboles de l'Amérique. L'histoire fait globalement penser à Hairspray, mais c'est surtout une scène qui semble desservir le rythme du film qui m'a marquée : quand Addison assiste à la danse des zombies à Zombietown, je me suis retrouvée face à Tracy assistant à la répétition des danseurs noirs pendant l'heure de colle. Ce qui a immédiatement donné plus de profondeur à une scène pourtant improbable. Plus généralement, on pourrait y coller toutes les comédies musicales qui se déroulent dans les années 50 ou 60, parce que derrière l'aspect ultra moderne du film, on fait clairement référence -au niveau des tenues, ou des décors avec ces petites maisons de banlieue, l'image de l'american way of life... vous pensez à Fallout ? Moi aussi.
Bref. Oui, c'est un teen movie. Oui son scénario est super léger (rappel : c'est un teen movie). Oui c'est plein de guimauve façon Disney Channel. Oui c'est plutôt cheap. Je ne vais pas vous faire un dessin : si votre kiff c'est la musique pop, les chorégraphies modernes, les histoires d'amour un peu neuneu, et que en plus, il s'avère que vous aimez les zombies et que vous êtes sensible à un chouette travail sur les décors et les costumes, et qu'en plus vous ne crachez pas sur un joli message humaniste, bah je vous le conseille.