Shape of Water, la jolie forme d'un déjà-vu

Les films de Guillermo Del Toro, c'est souvent ma came. C'est souvent mignon, romantique MAIS glauque. Il y a toujours des moments de frisson, des moments étranges MAIS c'est toujours ancré dans une réalité, un quotidien qui ressemble à la vraie vie. Il y a souvent des créatures bizarres MAIS ce ne sont jamais elles les monstres. Quand on va voir un film de Guillermo Del Toro, c'est avant tout pour ces "mais". Shape of water n'échappe pas aux gimmicks de son créateur, et comme ses autres films avant, c'est encore une fois grâce à ses contradictions qu'il brille.

Bon, avant tout, je vais calmer vos ardeurs comme le début du film a calmé les miennes : c'est pas un chef d'oeuvre. Le petit dernier de Guillermo Del Toro a beaucoup de défauts, et avant de vous conseiller d'aller le voir quand même, je préfère vous prévenir, vous pourriez ne pas l'aimer plus que ça. Voilà, c'est dit. Le reste de la critique se fera sans trop de spoilers, j'espère. Même si je ne considère pas que ses 13 nominations aux Oscars soient justifiées (sérieux ?), j'ai vraiment bien aimé ce drôle de film. Je ne lui trouve aucun génie mais disons il ne manque pas de charme. 

Il m'a pourtant fallu passer la première demi-heure de film à me demander ce que je faisais là avant de céder devant son irrésistible je-ne-sais-quoi. Les premières minutes, j'ai cru à une parodie du Fabuleux destin d'Amélie Poulain. Vraiment : l'héroïne, son appartement, son voisin, sa vie... Même la musique de Alexandre Desplat avait un petit côté Tiersen. Sauf que c'était vachement sérieux. Encore une fois, la merveilleuse actrice Sally Hawkins s'est glissé dans la peau d'un genre de Manic Pixie Dream Girl, ou n'importe quel thrope de l'héroïne merveilleuse qui n'existe que pour le bonheur des protagonistes masculins. J'avoue, sur le coup, ça m'a beaucoup agacée. Déjà parce qu'elle semble abonnée à ce genre de rôle. Ensuite parce que j'attendais mieux de la part de Del Toro, dont la plupart des personnages féminins sont plutôt bien écrits habituellement. Comme on l'attend de toute héroïne de Del Toro, heureusement, elle finit par évoluer, prend de la profondeur, perd sa naïveté de princesse de conte de fée. N'empêche que le postulat de départ m'a un peu frustrée.

J'aurai dû m'en douter et faire confiance à ses scénaristes et son réalisateur, vous allez me dire... Et surtout à ses acteurs, tous excellents. Sally Hawkins est comme toujours parfaite. Mention spéciale à Michael Shannon, glaçant et détestable du début à la fin, et Octavia Spencer dont la fibre comique ne pourra pas vous laisser de marbre. Shape of Water offre une jolie galerie de personnages qui, même s'ils sont tous très clichés, ont le mérite d'être attachants et plus travaillés qu'il n'y parait au premier abord. Surtout, malgré une première approche hyper-caricaturale, ils vont tous vivre une évolution intéressante et ça m'a progressivement plongée dans le film.

Le film en lui-même est une sorte de soupe de poissons, un gros mix de trucs qu'on a déjà vus ailleurs. C'est rempli à ras-bord de références en tout genres (la plupart son assumées, certaines tireraient sur le plagiat, je n'irais pas aussi loin), en tout cas ça n'a rien d'original : on croirait un mix entre Amélie Poulain, Sauvez Willy et La Belle et la bête, avec des incursions dans le genre de la comédie musicale et du film muet, le tout couvert d'un remake de l'Etrange Créature du Lac Noir (j'y ai aussi vu du Splash, mais ça c'est peut-être que moi). Malgré ça, le film Shape of Water sait écrire son histoire, tour à tour palpitante, effrayante, émouvante. Les 20 dernières minutes du film m'ont vraiment fait retenir mon souffle et je ne m'y attendais pas. Après ce long début un peu niais, je ne pensais pas apprécier autant ce film, qui bascule d'un genre à l'autre en permanence, utilisant cet effet très déstabilisant pour nous immerger complètement dans l'histoire.

Mais ce qui m'a fait l'aimer et passer un moment formidable était encore plus inattendu : son humour noir, ravageur, insidieux, magnifique. Je ne pensais pas rire autant ! Les dialogues sont parfaits, pleins de subtilités, de blagues un peu fourbes qu'on met une demi-seconde à comprendre, de sarcasmes et d'ironie. Il n'en faut pas plus pour me rendre heureuse.

Je crois que Shape of water n'est pas le film auquel on pouvait s'attendre. Ce n'est pas le film romantique qu'on nous a vendu sur les affiches (au passage, merci pour le spoiler, les gars !), ni réellement l'appât à Oscars qu'il semblait être. C'est un film plutôt simple, un joli conte sur la solitude, avec de belles scènes, des dialogues savoureux, et c'est déjà pas mal.

On vous le conseille fortement !


PS : si les références (nombreuses) présentes dans ce film vous échappent, je vous conseille cette chouette vidéo de ScreenPrism qui en référence quelques unes. TONNES de spoilers pour ceux qui n'ont pas vu le film, ne regardez pas cette vidéo.