RHPS : Let's do the Time Warp Again ou le Rocky "pour les enfants"
C'est amusant parce que qu'un soir où je regardais pour la énième fois le Rocky Horror picture show avec des amis, quelqu'un a fait la réflexion, lors de la fameuse scène où on peut voir Columbia avec des oreilles de Mickey, que le film était probablement un film Disney. Ce qui nous a fait beaucoup rire parce que la chanson Touch Me n'avait pas vraiment sa place dans la discographie des vertueuses princesses Disney. Nous avons pris quelques minutes pour essayer d'imaginer à quoi pourrait ressembler ce film subversif et sexy s'il était réalisé par les studios de Disney. Sans succès. Mais nous ne savions alors pas encore que la soirée allait nous amener à découvrir que ce film existait réellement...
En octobre 2016, la Fox sortait, sous les huées des fans, son premier remake officiel du Rocky Horror. Sous le titre "Let's do the time warp again!", il se présentait comme un événement télévisuel rendant hommage à la comédie musicale d'origine et aux quarante ans de culte voué à son adaptation en film. C'est important de se rendre compte du contexte, car il ne s'agit pas à proprement parler d'un simple film, d'un remake inutile, mais d'une expérience télé. À l'annonce de sa sortie, j'étais plutôt étonnée de voir les vagues de haters déverser leur fiel en expliquant à qui le voulait que c'était une honte "de remplacer le cast d'origine". Parce que bon, quand ça fait plus de quarante ans que la comédie musicale est jouée un peu partout aux États-Unis avec des castings forcément toujours différents, la remarque est assez ridicule. D'autant plus que moi, leur casting, je l'aime bien.
Le casting de la version 2016
Dans le rôle du sexy Docteur Frankenfurter, on retrouve l'incroyablement charismatique Laverne Cox (plus connue pour son rôle de Sophia Burset dans Orange is The New Black). C'est un choix inhabituel (le rôle est traditionnellement tenu par un homme) mais pas étonnant, puisque lorsque l'actrice transsexuelle entonne "I'm a sweet transvestite, from the planet Transsexual", ça prend un tout autre sens. Je l'ai trouvée parfaite dans ce rôle, jouant avec malice de l'ambiguïté de sa vaste tessiture vocale, dansant avec une énergie folle. Et bon sang, ce qu'elle chante bien ! A elle seule, elle justifiait ce remake. Bon, ses tenues de scène, un peu moins, mais on ne peut pas tout avoir.
Les Brad et Janet nouvelle génération sont eux aussi à mon goût. Victoria Justice (que je découvrais pour la première fois dans ce rôle) est bien assez vicieuse pour incarner notre gentille Janet, même s'il lui manque la fraîcheur de Susan Sarandon, son homologue dans le film de Jim Sharman. Bien entendu, on ne peut pas s'empêcher de comparer. Le jeune Ryan McCartan, acteur labellisé Disney Channel pour lequel j'avais déjà un petit faible, a achevé de me faire succomber à ses charmes. Il s'éclate, surjoue, minaude et réagit avec une fibre comique épatante, c'était un vrai bonheur de le voir à l'écran.
Reeve Carney, que je connaissais pour avoir bavé devant son délicieux visage durant 3 saisons de Penny Dreadful, semble faire renaître le Riff Raff de Richard O'Brien. Avec lui, on n'est plus dans l'hommage mais véritablement dans la copie. Il reprend ses gestes, ses intonations, ses mimiques... Ce qui aurait pu finir par un échec et finalement, passe plutôt bien. En tout cas, ça m'a convaincue.
L'actrice de Broadway Annaleigh Ashford m'a beaucoup surprise dans un rôle de Columbia au poil, très justement interprété. Elle m'était également complètement inconnue, mais vous la connaissez peut-être dans le rôle de Betty Dimello dans la série Masters of Sex. Jolie surprise pour moi qui suis très fan de ce personnage, malgré une légère déception puisque sa voix, bien plus grave que celle de Little Nell (je vous dis, on ne peut pas s'empêcher de comparer), la rendait bien moins agaçante que le personnage du film de Sharman. En plus, une Columbia qui ne montre pas ses tétons, est-ce une véritable Columbia, je vous le demande ?
Pour les bonnes surprises du casting (donc, il y en a quand même), je n'oublierais pas de noter la présence Tim Curry himself, même si ce dernier participe peu, ça fait carrément plaisir de l'avoir comme narrateur. Et Staz Nair est plutôt fun dans son rôle de Rocky.
Autrement, les autres personnages étaient plutôt des déceptions. Je trouve qu'Adam Lambert manquait vraiment de charisme dans le rôle d'Eddie et que Ben Vereen est complètement à côté du rôle du Dr Scott. Mais le pire, le PIRE, c'était de voir cette pauvre Christina Millian se débattre avec un rôle qui ne lui convient pas. N'attendez pas de miracle : pas une seule fois de toute la durée de ce téléfilm elle ne parvient à être juste. C'est super triste.
L'histoire de la version 2016
L'histoire est grosso-modo la même que la comédie musicale d'origine, avec quelques différences. Tout d'abord, on y retrouve Trixie, l'ouvreuse : présente dans une bonne partie des versions live du RHPS (surtout dans la version d'origine), son personnage était absent de la première adaptation cinématographique - simplement symbolisé par les lèvres qui chantent Double Feature. Et c'est un clin d'œil super chouette à l'histoire de cette œuvre. Par moment, on la retrouve dans une mise en abyme avec les spectateurs du film, qui nous montrent ce qu'il se passe dans la salle d'une projection de minuit ! On peut clairement considérer que RHPS LDTTWA (pfiou !) a pour vocation de gentiment dépuceler le spectateur qui ne connaîtrait pas les us et coutumes de la fanbase du RHPS.
Hormis cet amour évident de l'œuvre originale et des fans, on assiste finalement à une "disneyification" (quoi que ça puisse vouloir dire en vrai) de l'intrigue générale qui met le fan au mieux mal à l'aise, au pire en colère. Les scènes et les dialogues sont lissés (même si de temps en temps s'y glissent des clins d'œil que seuls les fans comprendront), le caractère sexy de l'œuvre est minimisé, l'ensemble devient très prude. On regarde alors une version complètement édulcorée, accessible à un public bien moins ouvert d'esprit et surtout, bien plus jeune. Forcément, on se dit que le choix du réalisateur y est un peu pour quelque chose. Kenny Ortega, le type qui a réalisé Hocus Pocus, High School Musical ou encore Descendants pour Disney Channel, signe un énième film pour adolescent, avec de la musique, des chorégraphies et beaucoup de niaiseries, comme à son habitude. Clairement, si Disney avait décidé de produire le RHPS, c'est ce résultat qu'on aurait eu.
Et vous savez quoi ? Je trouve vraiment l'initiative bonne. Finalement, quel adulte n'a pas rêvé de partager avec des enfants et des adolescents de son entourage ce film aux valeurs tellement en avance sur leur temps, au scénario tellement délirant, aux références cultes ? Pour avoir regardé le RHPS pour la première fois avec mon père, grand fan, je peux vous dire que c'est super bizarre. Ce n'est pas le genre de film qu'un adolescent veut regarder avec des adultes, je peux vous l'affirmer. Et pourtant, je ne remercierais jamais assez mon papounet de m'avoir fait décrouvrir cette oeuvre qui a été tellement importante dans ma vie ! Du coup, je me dis que comme première étape, comme premier contact avec cet univers loufoque, c'est pas mal. Cela permet de s'imprégner de l'ambiance, de se familiariser avec l'histoire (qui, au premier abord, n'est pas toujours comprise par les spectateurs), tout en évitant des sensations de malaise... Certes, cette version de 2016 est moins représentative que la version précédente (les transylvaniens, notamment, deviennent des ados aux corps parfaits, tandis que les relations gays sont complètement effacées), mais encore une fois, je la vois vraiment comme une première étape.
Ce qui est moins amusant, et un peu inquiétant, c'est que je pense que la raison d'exister de ce film n'est pas uniquement de le rendre accessible à un public plus jeune... J'ai la sensation que tout ce qu'on se permettait de montrer dans un film en 1975 ne peut plus être montré aujourd'hui. Que les conservateurs, les bien-pensants, les extrémistes religieux de tous bords, les manifs-pour-tous et autres mouvements "anti" ont cassé l'évolution de la société occidentale. Alors peut-être est-ce également dû au fait qu'à cette époque, après la fin du code Hays (loi de censure hyper stricte de l'âge d'or d'Hollywood), on pensait pouvoir tout se permettre, pare que c'était l'époque à laquelle le cinéma de genre partait dans toutes les directions, érotique ou gore selon les envies... Peut-être est-ce le fait que le téléfilm devait être diffusé à une heure de grande audience qui a provoqué ces choix ? Dans tous les cas, même si je ne partage pas la réaction ultra-violente des fans du RHPS devant ce remake, je peux comprendre leur déception.
Musique et chorégraphie
Dans une comédie musicale, la musique et la danse sont des points essentiels, et je ne vous cache pas que c'est pour moi de ce côté que provient ma décéption la plus grande. Bon sang, les gars, vous avez fumé quoi pour nous pondre des horreurs pareilles ? Parce que bon, les chansons d'origine, elles sont quand même géniales, et là, on se retrouve avec une instru digne d'un karaoké pirate, des rythmiques complètement à côté de leurs pompes (en gros, ça accèlère quand il ne faudrait pas, et ça ralentit dans les moments funky). Bref, c'est la cata. La batterie est trop présente sur des chansons habituellement émouvantes, et les chansons super funky deviennent toutes molles et jazzy. Nan mais vraiment, ça va pas. Le Time Warp est sous Lexomil, et Over at the Frankenstein Place devient un étrange ovni dans lequel les voix ne correspondent pas trop à la musique. Ne trouveront grâce à mes yeux que quelques chansons comme Double Feature ou encore I can make you a man...
Quant aux chorégraphies, même si dans l'ensemble j'ai trouvé qu'elles étaient sympa (sans plus), je vous laisse juger du niveau de ce Time Warp pour vous donner une idée...
Voilà, voilà. C'est le bordel, c'est pas très joli. On dirait une production de spectacle de fin d'année ET que la salle n'était pas assez grande pour avoir assez de recul pour tout filmer. Bof, bof. Columbia sauve la scène in extremis, merci à elle.
Bref
Du coup, c'est le moment où vous me demandez : Mathilde, faut-il voir ce film, vu qu'il a quand même l'air d'être pas terrible ? Et je ne sais pas quoi vous répondre. Je suis contente de l'avoir vu, je l'aime bien malgré ses nombreux défauts, et je considère que c'est un petit fan film sympathique qui devrait faire plaisir aux fans, même s'ils vont forcément beaucoup se moquer. Il y a des bons moments, il y a des moments pas fifous. Je crois surtout que si vous souhaitez introduire une âme sensible à cet univers, c'est une bonne occasion de le voir. Bref, il n'est pas indispensable, probablement un peu décevant, mais vous pourriez passer un bon moment devant.
Pas indispensable, mais de bonnes choses.