Dernier train pour Busan, des zombies à grande vitesse
Malgré mon amour des films de zombies, cela faisait bien longtemps que je n'avais pas vu un bon représentant du genre. Toujours trop de clichés, d'action et jamais de surprise. Bien entendu, hors de l'œuvre de Romero, pas grand chose ne trouvait grâce à mes yeux. Mais ça, c'était avant de voir Dernier train pour Busan, de Yeon Sang-ho. Sorti cet été en Corée et ailleurs dans le monde, il avait déjà reçu pas mal de compliments après avoir été diffusé lors de festivals. Et on comprend aisément pourquoi !
Dernier train pour Busan est un film coréen qui avait tout pour intriguer : une belle affiche toute proprette, un titre prometteur et une bande annonce qui dépote. Je ne m'attendais toutefois pas à une expérience cinématographique de cette puissance. Oui, j'ai un peu hésité avant d'utiliser ce terme, mais puissance convient bien. Durant 2 heures, j'ai tremblé, tressauté, voulu crier, courir et finalement, j'ai même un peu pleuré. C'était dingue. Un peu comme faire 14 fois d'affilée les montagnes russes. Après une dizaine de minutes d'introduction, le film nous plonge dans une apocalypse zombie vue sous un angle inédit : de l'intérieur du tout dernier train à partir avant que la Corée ne sombre dans la panique totale. Bien entendu, les passagers ne sont au courant de rien, et une personne à bord est déjà infectée. Bien entendu, les personnages auxquels nous allons vite nous attacher ne vont pas tous survivre... on reste donc accroché, incapable de détourner le regard, jusqu'à la dernière seconde de film. Parce qu'il n'y a aucun temps mort. Les seuls moments de répit durant cette épopée seront les quelques secondes d'humour injectées ici et là, comme des soupapes de décompression. Le reste du temps vous serez seuls face à ces personnages en détresse et leurs difficiles choix moraux.
Si je n'ai pas trouvé le film si effrayant que ça (un ou deux jump scare, pas trop de gore et aucun traumatisme vis à vis des trains ne sont à prévoir), il est éprouvant. Le scénario maîtrise à la perfection les poncifs du film d'horreur et la réalisation est d'une efficacité diabolique. Malgré un très grand classicisme du sujet et de son traitement, on se voit offrir des pépites de créativité, et le film parvient à créer du suspense et à garder un rythme trépidant sur toute sa durée. Même sans révolutionner le genre, Dernier train pour Busan s'impose comme une nouvelle référence du film de zombies. Même l'esthétique de ses zombies est sympa, avec les soudaines accélérations, les craquements et convulsions des personnages, qui malgré l'impression de déjà-vu change quand même des normes.
Il y a quelques années, j'ai fait une conférence sur la place "politique" du zombie dans la catégorie souvent mésestimée du film de genre. Je reste persuadée qu'en dehors des comédies horrifiques, le bon film de zombies a le devoir de porter un message politique. Il permet tellement de métaphores ! Il offre tellement de possibilités ! J'ai eu la surprise de découvrir que, non contents de respecter à la lettre les règles du film d'horreur, les créateurs ont également retenu les éléments du film de zombies classique. La politique n'est pas omniprésente mais elle est bien là. Critiques de la course au profit et de l'individualisme servent de fil rouge au scénario. Quelques incursions sont faites (très discrètement) du côté de la question de la lutte des classes ou de cette thématique qui semble chère aux pays asiatiques ces dernières années, à savoir le conflit des générations. Mais là où le film résonne avec l'actualité et s'avère très malin, c'est sur le sujet de l'immigration. La problématique est certainement différente ici et en Corée du Sud, mais le fond du message reste le même - et il est universel. La scène la plus importante et la plus émouvante consiste à nous mettre devant ce qui devient alors une évidence... Utiliser le cadre d'un huis clos dans un train peut rendre les choses plus lisibles : le passage d'un wagon à l'autre, la peur de l'autre, tout paraît encore plus évident que dans Land of the Dead, qui traite pourtant du même thème. Certes, on est loin du pamphlet philosophique bourrin du Transperceneige (lui aussi un film de train avec un gros fond politique mais un scénario sans aucune profondeur)... et ce n'est pas plus mal.
A mon grand regret, le caractère presque confidentiel de ce petit chef d'œuvre est probablement dû à sa nationalité. Certes, il n'est pas forcément destiné au grand public, mais il aurait dû faire un carton. Ses origines le rendent très différents des classiques blockbusters américains, et de ce fait vraiment appréciable, parce qu'il traite ses personnages en essayant de s'éloigner des clichés. Ici, les gens paniquent, pleurent, sont désemparés. Ils ne se transforment pas en machines à tuer à l'instant où ils voient leur premier zombie. Ils ont de très mauvais réflexes. Ils réagissent en fonction des conventions sociales, de ce qu'on leur a appris, ils n'ont pas peur de se montrer sous leur véritable jour. Il parvient en moins de 2 heures à concurrencer The Walking Dead sur son traitement du comportement humain dans une situation extrême, et c'est plutôt pas mal. Sans compter que les acteurs sont vraiment excellents.
En bref
Ce serait dommage de rater ce film, en particulier si vous aimez un minimum les films d'horreur, de contagion, de zombies, d'action ou simplement les films catastrophes. Tant qu'il est dans les cinémas encore pour quelques jours, foncez-y, vous ne serez pas déçus. C'est peut-être le meilleur film du genre qui soit sorti ces 10 dernières années.
Vous ne pouvez pas ne pas le voir !
NB : il semble qu'un film d'animation nommé Seoul Station serve de préquel à ce film. Je ne l'ai pas vu, mais j'ose espérer que les deux films sortiront dans une édition DVD ou Blu-ray commune ! Si vous avez eu la chance de le voir, n'hésitez pas à nous en parler en commentaires.
NB : Oui, je sais. J'ai oublié de parler de ses défauts. Il n'y en a pas des masses, mais on notera des faux raccords à la pelle, un scénario partiellement prévisible (mais c'est aussi ce qui apporte le suspense) et des "moments dramas" (les gens qui regardent les dramas Coréens sauront de quoi je parle) qui vous feront certainement vous marrer malgré vous.