Les geeks sont des gens bizarres, je ne vous apprends rien. Ils passent des années à rêver que leurs oeuvres préférées vont connaître des suites, et quand les suites sortent, ils crachent dessus, comme s'il s'agissait d'une trahison ultime. Ce n'est jamais assez bien. La prélogie Star Wars ? Une honte. Le quatrième Indiana Jones ? Ridicule. Les suites d'Alien ? On n'en parle même pas. Les James Bond ? C'était mieux avant. Terminator, Jurassic Park, Die Hard... Ce ne sont pas seulement les suites qui sont jugées. Ce sont les suites d'oeuvres ont marqué des générations. Des oeuvres devenues cultes. Plus on doit attendre entre deux épisodes, plus le risque de rejet est grand.
Dans certains cas, on peut comprendre ; personne ne niera que le scénario de Jurassic World est aussi épais que du papier à cigarette, ou que Terminator 3 brise le rythme et l'histoire instaurés durant les deux premiers épisodes. Dans d'autres cas, il faut être honnête : il n'y a qu'une raison qui pousse les gens à détester le ou les nouveaux opus, tandis qu'ils adorent les anciens. La nostalgie.
J'adore la prélogie Star Wars. Elle est bourrée de défauts, que je ne me cache pas, qui m'énervent à chaque fois que je la regarde, mais je l'aime bien. En fait, je l'aime presque autant que la trilogie d'origine, parce que bien que la trilogie soit meilleure côté dialogues et répliques cultes, la prélogie nous offre bien plus de géopolitique, et ça, c'est mon kiff. Je suis généralement chagrine quand quelqu'un déclare que la prélogie est mauvaise. A entendre la majorité des fans de Star Wars, la trilogie d'origine est géniale, parfaite, inimitable, tandis que la prélogie n'est qu'un ramassis de crottes de tauntaun. C'est complètement faux. La trilogie est bourrée de défauts. Seulement, c'est devenu difficile de les voir parce qu'on a tellement vu, revu, re-revu et re-re-revu les trois premiers films qu'on a fini par développer un genre de syndrome de Stockholm envers George Lucas. On appelle ça la nostalgie, donc. Les choses mauvaises ne le sont pas tant que ça. Les bonnes choses sont devenues plus qu'extraordinaires. Tout est culte, intouchable.
Alors quand le dieu-réalisateur arrive avec un nouveau concept, de nouvelles idées, et ses défauts habituels... on ne voit plus que ça, les défauts. On les redécouvre. On redécouvre que le créateur est un humain comme les autres. Et s'il s'agit d'une nouvelle équipe, d'un nouveau créateur, on hurle à la trahison. Le fan est déçu, il ne comprend pas. Il attendait tellement ce moment ! Le concepteur d'univers est alors dépossédé de son travail ; le fan en est désormais le seul gardien. Ce film, cette saga, ce n'est plus l'oeuvre d'une équipe, d'un homme, c'est une partie de la vie du fan. Tout excité qu'il soit à la sortie du nouveau film, il va avoir des difficultés monstres à ne pas comparer à l'imcomparable, la perfection incarnée. L'original. Il n'est alors pas rare que le fan pointe du doigt un énorme défaut, impardonnable, du nouvel opus... alors même que ce défaut était tout aussi présent dans l'oeuvre d'origine.
Parfois, en tant que fan, pour apprécier un nouvel opus, il faut savoir se détacher du background de ce dernier. Accepter de voir ce nouveau film comme une oeuvre indépendante, par exemple, et la juger en tant que tel. Jurassic World n'est pas à la hauteur de Jurassic Park. Pourtant, s'il était sorti en premier, il n'est pas impossible que je lui aurais voué un culte, parce qu'il est drôle et bourré de n'importe quoi, et qu'il y a plein de dinosaures qui font des trucs marrants. Et je l'aurais aimé tel qu'il est, sans en attendre plus.
J'avais détesté Indiana Jones 4 à sa sortie. Et puis, j'ai mûri, je l'ai revu, avec le reste de la saga. J'ai réalisé que mon opinion était biaisée. Je trouvais que la référence aux extra-terrestres était absolument débile. Puis je l'ai remis en perspective avec le Graal et les fantômes. Non, en fait, ça va. C'est même plutôt amusant, et bien pensé. Tout ce qui me semblait improbable, stupide ; rien ne me semblait différent dans les autres films. C'était même moins sexiste, moins raciste. Il n'y avait aucune raison pour que j'aime les originaux et que je n'aime pas du tout ce nouveau film complètement dans la lignée. C'était drôle et improbable, passionnant et plein de folie. Comme les trois premiers opus. Il ne reste pas mon film préféré de la saga, mais je suis contente qu'il existe, parce que retrouver Indy pour une nouvelle aventure, c'est toujours cool. Franchement, la scène du frigo, je l'aime.
Bref, tout ça pour dire quoi ? Tout ça pour dire que demain sort un nouvel épisode de la saga Star Wars. Que je n'ai pas d'opinion préconçue à son sujet, même si j'espère que je vais l'aimer, et que même s'il est décevant, revoir cet univers sur un grand écran, continuer cette histoire, c'est déjà un beau cadeau. Star Wars 7 sera peut-être un très mauvais film. Il sera peut-être un très bon film, mais un mauvais Star Wars. Il sera peut-être le meilleur de la saga. Une chose est sûre : je vais faire de mon mieux pour ne pas le détester d'emblée, sans raison. Par pure nostalgie.