Retour vers le passé
Et voilà, ça y est, aujourd'hui, officiellement et définitivement, le culte film de Robert Zemeckis Retour vers le futur II est devenu "rétro". Je suppose qu'en 1984, ça a dû faire la même chose à tous les gens qui étaient fans du bouquin de George Orwell, à ceci près qu'ils devaient être bien contents que ses prédictions ne se soient pas réalisées. C'est comme ça avec tous les films de SF qui se permettent de donner une date à leur "futur". A un moment, ce futur devient le présent. Puis le passé, et l'oeuvre passe dans une autre catégorie. Quelque part, alors que Retour vers le futur II nous faisait anticiper un futur plein de choses extraordinaires, il va devenir une forme de rétro-futurisme, comme tous ces films de SF des années 1950 qui nous font rire aujourd'hui car leurs avancées technologiques ont été pour la plupart dépassées. C'était le futur des années 1980. On avait alors conscience que jamais l'humanité n'avait eu autant la possibilité de faire les choses les plus folles. A l'époque, on parlait du tunnel sous la manche comme d'un rêve !
Bien sûr, personne ne pouvait se douter qu'on préférerait développer des smartphones dont la batterie tient à peine quelques heures plutôt qu'un Mr. Fusion pour recycler nos épluchures de patates. Ou que les gamins de 2015 n'en auraient que pour les trottinettes (Trot' selon l'expression consacrée) à roulettes plutôt que pour des Hoverboards. Qu'on se contenterait d'une 3D superficielle avec des lunettes passives qui écrasent les couleurs des images plutôt que d'avoir des cinémas holographiques. Que les fours à micro-ondes ne seraient pas supplantés par une autre machine plus cool (comment aurait-on pu prévoir l'arrivée du smoothie ?). Que les voitures continueraient à rouler et en plus, au Diesel. Que les vêtements seraient toujours en banal tissu, que les lacets existeraient toujours, et qu'on allait continuer à porter des tenues ennuyeuses. Bref, je ne vous fais pas le best of des prophéties de BTTF qui ne se sont pas réalisées, il y a quasiment un article par journal sur le sujet (pour plus d'infos, taper "retour vers le futur" dans Google).
Bien entendu, il y a les trucs cool qu'on a développé depuis, comme Internet, qui a avantageusement remplacé le fax des films, et même les imprimantes 3D. Et puis c'est vrai que désormais, on peut jouer à des jeux vidéo sans manette, mais encore heureux, presque personne ne le fait (on a encore un peu de dignité). Mais bon, force est de constater que dans la plupart des domaines, ces dernières années, ça a été un peu décevant. Petite, j'imaginais qu'à l'horizon 2015 on aurait déjà marché sur Mars et au moins une base sur la Lune, et quand on voit où ça en est aujourd'hui... Force est de constater qu'on stagne. Certains domaines semblent évoluer, mais la frénésie des années 80-90 est clairement passée. Dans les années 1980, on partait du principe qu'on avait des limites qui seraient atteintes rapidement dans le domaine de l'informatique. Quelques années après, elles étaient déjà dépassées. Il aurait pu en être de même dans tout un tas de domaines. On a fait voler le Concorde, l'avion le plus rapide du monde. Et pourtant, aujourd'hui, il est à la casse, remplacé par des modèles moins coûteux, moins rapides. On a créé des trains magnétiques, mais ils ne circulent quasiment pas. Parce que ce que le monde de Retour vers le futur II avait ignoré, c'est le coût de l'innovation. Qu'importe le progrès s'il ne rapporte pas un kopeck ?
Quand je revois ce film, je me dis que ça aurait pu être possible. Rien ne paraît vraiment extraordinaire, tout reste assez probable, ce sont des améliorations mineures qui pouvaient techniquement être réalisée en 30 ans - c'est d'ailleurs pour ça qu'on y croyait. Je me dis qu'on aurait probablement réussi à atteindre ce but, pourvu que les grandes multinationales qui tiennent la bourse de la planète aient conclu que ça allait leur rapporter beaucoup. Mais non. C'est plus facile de se faire de l'argent en sortant tous les 6 mois un nouveau smartphone identique au précédent, mais avec une ou deux micro-améliorations distribuées au compte-goutte. Je peux le comprendre. Faut bien gagner sa croûte. Mais aujourd'hui, alors que ce futur de rêve devient le passé, je suis quand même un peu amère. Comme des milliers de fans qui y croyaient, à l'époque, je suis déçue. Et je commence à comprendre pourquoi les dystopies ont autant de succès dans la littérature et au cinéma ces derniers temps. Quitte à faire du sur-place, autant imaginer des futurs dans lesquels on ne voudra pas vivre. Ce sera moins décevant quand on aura à les comparer à notre présent.
Au-delà de l'anniversaire du film, au-delà du fait que ça y est, il va définitivement se passer au passé, la célébration d'aujourd'hui a un goût doux-amer. Mais soyons un peu optimiste. Si un film peut encore faire rêver des générations, inspirer des réalisations et des avancées technologiques... c'est bien celui-ci.
Et sinon, pour garder un regard critique sur le Back To The Future Day, je vous conseille la très chouette Web-série documentaire d'Arte où on suit un non-fan qui part à la rencontre de ces gens étranges qui aiment BTTF. C'est très drôle !
Très bonne journée à tous, et n'oubliez pas de retourner vos poches de pantalon, il paraît que c'est à la mode en 2015.