Jupiter Ascending, c'est de la bonne
Vous êtes dans un cinéma, devant un film d'action, en plein milieu d'une scène de course-poursuite haletante, et d'un coup vous entendez un rire incontrolable -et très bruyant- venu du fond de la salle. Ne vous inquiètez pas : vous êtes probablement devant Jupiter Ascending, le petit dernier des Wachowski, et la personne qui glousse au fond de la salle, c'est moi.
Non parce que des bons films, j'en ai vu pas mal ; des mauvais encore plus. Mais des films comme Jupiter Ascending, c'est tellement rare ! Secrètement, c'est la raison qui me pousse à engraisser les incapables de chez UGC aussi fréquemment. Parce que moi aussi, voyez, j'ai un destin hors du commun. Celui de vouer un culte aux Wachowski, à leurs films complètement barrés. Celui d'aller voir et d'aimer, inconditionnellement, tous leurs films (sauf Matrix Reloaded, que je leur ai seulement pardonné -ils étaient jeunes- et Matrix Revolution que j'ai oublié). Presque inconditionnellement.
On pourra leur reprocher, comme à l'époque de la sortie de Matrix, de pomper tout ce que la pop-culture a fait de meilleur -et de pire- et de le remanier à leur sauce. C'est justifié et même voulu. Jupiter Ascending, c'est une série B grandiloquente, bourrée de références et d'effets spéciaux magnifiques. Genre, vous prenez un épisode de la série Métal Hurlant Chronicles, avec tout ce que ça comprend de clichés, de nanas en tenues moulantes et de mecs torse nu, de maquillages kitchounes et de tenues cyberpunks, de vaisseaux spatiaux chelous et de réflexions pseudo-philosophiques ; vous l'étirez sur 2h ; vous mettez les Wachowski au contrôle ; et enfin, vous attendez de voir ce qu'il se passe. On adhère ou pas, parce qu'il faut avoir un second degré énorme ou abandonner son cerveau sur le trottoir.
Jupiter Ascending, est, par certains aspects -presque tous en fait- un très mauvais film. Il est doté d'un scénario cousu de fils blancs au point qu'en le voyant, j'imaginais les réactions de l'Odieux Connard (d'ailleurs, je vous conseille de lire sa critique du film, c'est tout à fait ça). C'est vraiment, complètement, totalement n'importe quoi... et c'est ça qui est bon.
Voir Jupiter Ascending s'apparente à des montagnes russes : on voit bien où on va aller, on voit bien qu'il n'y a aucun danger et on sait quand ça va finir, mais ça n'empêche pas d'apprécier (ou non) la sensation. Dans mon cas, c'était très symptomatique de certains films auxquels je voue un culte : Les Chroniques de Riddick, Barbarella, Bloody Mallory, Repo! The Genetic Opera, Sucker Punch... Je suis tombée amoureuse de ce film, de ses défauts tellement drôles, de son histoire inspirée de tout ce qui a pu être produit en science-fiction depuis ces 2000 dernières années. Oui, vous l'aurez compris, il y a aussi de la référence biblique à tout va. C'est du pur Wachowski, ça m'a rappelé pourquoi j'ai autant aimé Matrix à l'époque.
Les clichés sont assumés par des scénaristes-réalisateurs certainement pas sobres, ils sont mis en exergue, brandis avec un peu de naïveté et beaucoup de désinvolture. Les références sont omniprésentes au point que même les titres de la BO du film s'en parent. Volontaires ou non, les références sont vastes : de la Guerre des Etoiles à H2G2, en passant par Soleil Vert, Gravity, Alien, Frankenstein, sans oublier un maximum de mythologies diverses et variées.
Les Wachowski ont juste pété un câble. S'ajoutent aux clichés des trucs complètement WTF, comme un loup-garou de l'espace en patins volants, mais aussi du mariage en grandes pompes dans l'espace, des décors baroques d'un goût douteux, des changements de costumes toutes les deux scènes, du fan service, des armes létales qui ne tuent pas, des fontaines de jouvence, des petites blagues rigolotes, des vaisseaux spatiaux pas du tout aérodynamiques mais vachement classes, des robots et des extra-terrestres flippants, des hommes-animaux, des tatouages qui bougent, des dino-dragons de l'espace, des gadgets lumineux, du technoblabla et plus d'abeilles que vous n'en verrez jamais dans la vraie vie.
J'ai encore du mal à croire que des gens se soient dit "hey, mais c'est cool, on va produire ça", toutefois, je les en remercie.
Dans un monde idéal, tout le monde trouverait ça hilarant, cette histoire digne d'une princesse Disney de l'espace écrite sous LSD. Du coup, il y aurait des suites. On féliciterait cette réalisation artistique datée, ces effets spéciaux too much, ces maquillages à la fois impressionnants et kitchs, cette superbe musique trop dramatique pour être vraie. Dans un monde idéal, on se retrouverait tous au cinéma pour le voir, rire des rateaux de l'espace que le héros colle à l'héroïne, des réactions des personnages, des faux-raccords, des sensations de déjà-vu. Dans le vrai monde, les Wachowski ont encore signé un film qui va faire un flop et être descendu par la critique. Ce qui me rassure, c'est qu'ils sont tellement perchés qu'ils s'en foutent. Et on est au moins 3 dans ce cas.
Jupiter Ascending évite bien des écueils qui me rendent les films de ce genre insupportables : le casting est bien équilibré (présence honorable de minorités, rapport filles/garçons), les acteurs ne sont pas tous mauvais (sauf les méchants qui surjouent, comme dans tous les films des Wachowski), la réalisation reste très correcte (il y a de fort jolies scènes), et on n'a pas l'impression d'être pris pour des imbéciles. On est loin de Mickael "Boom" Bay et de la plupart des blockbusters destinés à des foules incultes qui sortent ces derniers temps et ont des dates de péremption. Jupiter Ascending est intemporel : il était kitch à sa sortie, il le sera encore dans 20 ans. Et ça, c'est du génie.
Alors, faut-il aller voir Jupiter Ascending ? Pour son côté manège à sensation. Pour en rire. Pour le plaisir de plonger dans la meilleure dope que Lana et Andy aient réalisé. Oui, mais si vous vous sentez capable d'abandonner votre sens critique, votre logique et votre pragmatisme, uniquement.
Un très très bon navet, mais un navet quand même.
Vous ne pouvez pas ne pas le voir !