Only lovers left alive : "Vis ma vie de vampire dépressif"

Quand les fandoms entrent en collision, on est en droit de supposer qu'un film puisse connaître un certain succès. Surtout un film de vampires. Ce ne fut malheureusement pas le cas de Only lovers left alive, dont nous avons bien peu entendu parler... Et pourtant ! Avec une affiche composée de Tom Hiddleston (le Loki de Thor et Avengers), Tilda Swinton (entre autres, la sorcière blanche de Narnia), John Hurt (euh... non, je ne vous ferais pas l'affront) et Mia Wasikowska (Alice au Pays des Merveilles), il y avait de quoi voir des hordes de fanboys et de fangirls envahir les cinémas. D'autant plus que ce film est une petite merveille.

Tranches de vie

Je disais : un film de vampire. Un film romantique donc. Mais drôle. Et pas drôle comme une comédie romantique, non, drôle comme un film qui s'attarderait sur le quotidien très ordinaire d'un couple de vampires. Genre "Vis ma vie de vampire dépressif"'. Parce que Only lovers est bizarrement plus proche du film contemplatif façon "slice of life" que du film fantastique. La mythologie des vampires n'est pas développée, malgré quelques intrigantes entorses aux mythes les plus connus, et quelques ajouts discrets.  Elle apparaît ici comme un fait presque négligeable, comme si on parlait d'un couple de pêcheurs, de jongleurs ou de banquiers. Le vampirisme, ici, se situe quelque part entre le handicap et le talent, la chance et le malheur. Même s'il sert de prétexte au deux tiers des blagues et des situations comiques, il ne transforme pas l'oeuvre en film de genre. Du coup, ça lui donne un air de film dramatique et sérieux, ce qui est un peu déstabilisant quand arrivent les premières notes d'humour.

Nos vampires modernes ne croquent plus les cous des passants
mais se servent de délicats calices

*Air guitar* ...Rock'n roll !

Donc les acteurs sont classes, donc c'est contemplatif, mais ce n'est pas tout. Dans Only Lovers, la musique joue un rôle fondamental. Forcément puisque le personnage d'Adam, joué par Hiddleston, est un musicien de génie. Les beaux morceaux de rock progressif qui parsèment le film sont interprétés par Sqürl, le chouette groupe du réalisateur Jim Jarmusch. Le reste de la BO est composé par le joueur de luth Jozef van Wissem, qui offre à nos oreilles des mélodies sublimes aux accents arabisants. Il faut dire que l'intrigue se déroule entre Détroit et Tanger, deux villes aux cultures fort différentes, qui ont, chacune à leur manière, marqué l'histoire. Ces deux ambiances dépaysantes cohabitent avec intelligence et donnent beaucoup de profondeur au film.

Je soupçonne cette scène de n'être que du fan service.

Au bout de la nuit

On les suivrait bien jusqu'au bout de la nuit, Eve et Adam, ces vampires hippies et écolos condamnés à regarder les humains détruire leurs propres corps, leur planète, leurs créations. Parce qu'ils sont un couple universel et touchant, et qu'autour d'eux gravitent des personnages attachants. La morale est présente, en toile de fond, mais ne s'impose jamais. Le rire et le drame non plus. C'est un film qu'on voit passer comme on va voir un bon concert, en profitant à fond de l'instant, et qui reste gravé sur nos pupilles et nos tympans. Il pourrait être ennuyeux, il pourrait être moralisateur, il pourrait être déprimant, mais Jim Jarmusch réussi une fois encore à nous éblouir avec sa finesse -d'ailleurs, si vous n'avez jamais vu son extraordinaire Ghost Dog, il est également à ajouter à votre pile de "à voir".

On vous le conseille fortement ! 

Et voilà, encore un qu'il va falloir que j'ajoute à la liste, déjà peu modeste, de mes oeuvres cinématographiques préférées. Il y a à boire et à manger, là-dedans, mais les films de vampire s'y font très difficilement une place. Je trouve que le vampire est plus à l'aise dans les livres... Même Vampires, de John Carpenter, Entretien avec un vampire, de Neil Jordan, ou encore le magnifique Dracula de Coppola ne parviennent pas à me donner envie de les revoir en toutes occasions. Aucun n'a l'effet "SOS Fantômes" *. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que le vampire au cinéma est soit sous-évalué (Bela Lugosi, je t'aime) soit un peu trop pompeux. Pour beaucoup, Only lovers fera partie de cette dernière catégorie ; pas pour moi.

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* "Effet SOS Fantômes" : expression personnelle qui résume un comportement obsessionnel autour d'un film ou d'une série. Quand un film qu'on a déjà vu 15 fois passe à la télé, on se dit généralement "ah non, pas celui-là, je l'ai déjà vu" ou "pas la peine, je l'ai en DVD". SAUF avec certains films. Le parfait exemple, pour moi, c'est SOS Fantômes. Quand il passe à la télé, non seulement je me dis "oh chouette, ils passent SOS Fantômes" (ce qui est absurde, je l'ai en DVD), non seulement je le regarde, mais en plus si je ne peux pas voir la fin je l'enregistre pour la regarder le lendemain. Et si j'ai déjà vu SOS Fantômes 1 la semaine dernière, et qu'il repasse après SOS Fantômes 2 ce soir, je le re-regarde.
O_o
J'ai jamais dit que c'était rationnel.

 Dîtes-moi, ça vous arrive aussi, hein ?