(Parce qu'en fait, on s'en fout...)
Souvenez-vous : le jour où Mickael Jackson est mort, les gens ont pleuré toutes les larmes de leur corps et clamé à grands cris que non, la vie ne serait plus jamais pareille. (Perso, j'ai pas vu la différence...)
Le jour où Steve Jobs a passé l'arme à gauche, les fans d'Apple se sont insurgés, et dans leur grand désespoir, ont assuré au monde entier qu'ils ne pouvaient pas vivre sans Steve Jobs. (Aujourd'hui, ils l'ont remplacé par un nouveau gourou, le patron de Free)
Bon, j'étais pas là, mais je suis sûre que quand ce glandeur de John Lennon est allé rejoindre le grand rien, les fans ont sorti des âneries à peu près aussi bêtes. Et j'ose même pas imaginer pour Elvis... (Ah non, c'est vrai : lui, il est pas mort)
Visiblement, vu les symptômes ("Je ne pourrais jamais vivre sans Megaupload !", "C'est une honte, attaquons tout plein de sites pour montrer notre mécontentement !"), le site de transfert de fichiers Megaupload est un genre de rock star. Un truc trash, un peu sale, mais qui pour une raison qui m'échappe totalement est parvenue à embrigader un grand nombre de gens. Remettons les points sur les "i", s'il vous plaît : on s'en fout complètement que Megaupload n'existe plus. Comme dirait l'autre, "C'est le jeu, ma pauv' Lucette". Ce n'est certainement pas à des geeks qu'il faut le dire, mais je compte sur vous pour faire tourner le message...
Megaupload ne jouait pas le jeu, justement. Ils proposaient des abonnements pour du matériel (séries télé, films, musique) qu'ils ne possédaient pas. Et tout le monde avait beau le savoir, je ne sais combien de personnes ont trouvé que c'était une riche idée de payer ces abrutis pour du contenu illégal (moi, en français, j'appelle ça des pigeons...). Au bout d'un moment, les créateurs du site avaient tellement pris la grosse tête qu'ils ne cachaient même plus leur trafic de fichiers (ce qui ne le rendait pas légal pour autant, hein). Forcément, il fallait bien que ça leur revienne à la tronche !
Râler contre la "perte" de Megaupload, c'est à peu près aussi puéril et futile que de se plaindre d'avoir perdu des points en se faisant flasher à 180 km/h sur l'autoroute. Nul n'est sensé ignorer la loi, et si on la trangresse, faut pas se plaindre quand elle nous tombe dessus. Fin de l'histoire.
Alors, en bref : oui à la copie privé, à l'échange de fichiers, au développement du libre, tout ça, vive le net libre... Mais très sincèrement, la chute de l'empire Megaupload ne va rien y changer. C'est une petite vengeance justifiée de la part des ayants droits et des Etats, on peut bien leur laisser ça. Et tant que j'y suis, je vous rappelle également que ce qui permet de justifier de façon éthique le téléchargement illégal, c'est un plus grand accès à la culture pour tout le monde. Mais vous pouvez aussi aller acheter des DVDs, des CDs et des places de ciné. Je vous jure, j'ai déjà essayé plein de fois, ça ne mord pas.
PS : et pour ceux qui sont en admiration devant la réaction rapide et pas hyper mature des Anonymous, dîtes-vous bien que ces actions ont certainement été préparées pour lutter contre les textes SOPA et PIPA. Il n'y a plus qu'à espérer que le fait de défendre ces gros malhonnêtes de Megaupload ne va pas mettre en péril les actions menées brillamment par tout un tas de défenseurs des droits sur Internet (en particulier Wikipédia, dont le black out a eu un très fort impact).
C'est le fait que la justice américaine, à la botte du lobying des majors, se soit permis de méticuleusement préparer une action aussi arbitraire, directe et violente contre un site, une entreprise, dont une partie n'est même pas située sur le territoire américain. Et ça, c'est effrayant. Les ripostes d'Anonymous, les commentaires outrés traduisent pour moi un malaise bien plus profond que le simple "bouh, je pourrais plus télécharger de screeners moches en ddl ou regarder des saisons entières de Gossip Girls sur Megavideo." Et banaliser le recours à des procédures aussi extrêmes, c'est ouvrir la portes à de dangereux excès. Le jour où le FBI fera la même chose contre Wikileaks, dira t-on "on s'en fout, ils mettaient leur nez là où il ne fallait pas"? Et si demain Facebook devenait un "repaire online de terroristes", bon pour l'extermination? Et pourquoi ne pas étendre le procédé aux sites opposés à la politique du gouvernement "pour la sécurité de l'Etat et de la population", bien entendu?
Un autoritarisme "démocratique et bénévole", mais qui reste définitivement de l'autoritarisme. Et si les gens peuvent prendre conscience de ça, et se révolter dans un sursaut démocratique, même s'ils l'expriment sous une forme peu raffinée, alors oui, réagir à la fermeture de MU est une chose positive.
Enfin, j'ajouterais que tous ceux qui piratent régulièrement ne pleureront pas longtemps Mégaupload, les solutions alternatives sont légions, et souvent aussi rapides et plus sûres. En revanche, les particuliers et professionnels qui comptaient sur MU pour stocker des fichiers parfaitement légaux, eux, se retrouvent victimes collatérales.
Enfin, parlons un peu du système économique de MU, qualifié de "mafieux" par le rapport américain. Et bien si j'en crois les chiffres mentionnés dans le rapport, le modèle de MU fonctionnait, et même très bien quand il s'agissait de générer des bénéfices. Y ajouter un peu plus de transparence et une rémunération juste pour les artistes serait tout à fait viable comme alternative légale. (oui, la fiscalité pourrait poser problème, mais rien d'insurmontable)
Bien sûr, la Warner ou Universal préfèrent s'accrocher à leurs concepts commerciaux de plus en plus désuets et crier au vol, plutôt que de supprimer la concurrence déloyale en mettant en place une plate-forme s'inspirant des dits concepts (abonnement non obligatoire, principalement...). Et les CD et DVD ont leur attrait, que les distributeurs mettent donc l'accent sur l'aspect collection et la qualité du contenu. Au lieu de bêtement répéter "pirater c'est mal", qu'ils disent plutôt "Pirater? Et ne pas pouvoir se vanter de posséder physiquement une édition collector? Tsss, tss, tsss."
Pourtant, une évolution lente se fait bel et bien. Regardez, à titre d'exemple, le succès des diffusions d'anime en streamng légal par les éditeurs, le plus souvent en simulcast avec le Japon et en vost.
Je termine ce très long commentaire par certains aspects positifs que pourrait avoir la fin de MU. Premièrement, les limites du "minitel 2.0", comptant sur des données stockées sur des serveurs sur lesquels l'utilisateur n'a aucun contrôle sont clairement et douloureusement exposées par cette affaire. L'avenir est à la décentralisation du web, sa neutralité est à ce prix. Qu'on se le dise!
Ensuite, le ddl, ce n'est pas à proprement parler du partage de fichiers. Vous prenez ce qu'il y a sur le serveur, et vous le ramenez chez vous, fin de l'histoire. Le P2P (bien crypté puisqu'il faut savoir "penser pirate"), à condition que vous restiez en seed, c'est du partage, c'est un réseau, et comme le dit Bayart, c'est de l'Internet. Qu'on revienne nager au torrent ne sera pas un mal.
PS: avec SOPA et autres saletés du même acabit, ce blog pourrait être bloqué pour ce seul commentaire. Dites non aux lois liberticides, vous avez le droit de voter, la démocratie n'est pas vaincue, alors servez vous en!