Apple will fall...
Steve Jobs est mort. Ce n'est pas la fin du monde, certes, mais c'est une page de l'histoire de l'informatique qui s'est tournée. Qu'on le veuille ou non, qu'on soit pro ou anti Apple, nous allons tous subir les conséquences du départ définitif du charismatique patron de la marque à la pomme.
Une montée en puissance de Facebook et de Google face à la chute spectaculaire de l'action Apple ? Un retournement de situation avec Samsung comme nouveau leader de la consommation de produits High Tech inutiles ?
La naissance d'une religion prônant la réincarnation de Steve Jobs, Michael Jackson et Elvis Presley dans la même entité cosmique -qu'on pourrait appeler Cthulhu, ça serait marrant ?
Steve Jobs est mort, c'est bien triste pour lui, pour sa famille, pour tous les gens qui l'aimaient. Un hérault du marketing s'est éteint, et même si ça a dû faire remonter d'un point le karma de la population mondiale, ce type-là a compté, et sa mort est un vrai drame. Je suis persuadée que même Steve Wozniak a laissé sa rancoeur de côté pour aujourd'hui. Oui mais voilà, Steve Jobs est mort et tout le monde y va de son petit mensonge pour lui refaire le portrait et le rendre digne des hommages qu'on lui rend. Génie par-ci, héros national par là, dieu sur Terre pour quelques uns... En tant que geek profondément anti-Apple, je ne peux pas les laisser dire. Rien ne vaut la vérité.
La vérité, c'est que Steve Jobs n'était pas vraiment un inventeur. Steve Wozniak (l'autre fondateur d'Apple) l'a même rappelé aujourd'hui, l'homme au col roulé n'écrivait pas les programmes. Son génie, c'était d'embaucher les bonnes personnes -tel que le Woz en question- pour les écrire, et de leur donner une direction où aller. Mollo, donc, les incultes qui comparent le créateur d'Apple à Einstein (ceci dit, lui aussi a repris de nombreux travaux à son compte...). D'ailleurs, la totalité des créations imputées à la marque ne sont pas des inventions mais des adaptations (non, même pas les coins arrondis bien qu'ils aient été prestement déposés pour couper l'herbe sous le pied des concurrents).
La vérité, c'est que tout le monde le place largement au-dessus de Bill Gates, alors qu'il ne vaut pas plus. Ce n'est pas parce que les Mac plantent beaucoup moins que Windows Vista que Jobs est fondamentalement meilleur que Gates. D'ailleurs, il y en a un des deux qui n'a jamais utilisé son incommensurable fortune pour aider les plus démunis. Je vous laisse deviner lequel.
La vérité, c'est que Steve Jobs a prétendu vouloir démocratiser l'ordinateur personnel puis qu'il a sabordé cette vision du monde 20 ans plus tard pour se faire des sous. Grand symbole chez les geeks du monde entier, l'Apple Lisa a été le premier compagnon financièrement abordable de toute une génération de programmeurs (à votre avis, pourquoi la fameuse série s'appelait Code Lisa ?). Il est sorti dans les années 1980. Allons dans n'importe quel magasin d'informatique et comparons ce qu'il en est aujourd'hui :
Apple MacBook 15" : processeur quadricore, RAM 4 Go, 500 Go de disque dur = en moyenne, 2 000 €
N'importe quel PC 15" avec un processeur quadricore, 6 Go de RAM et 750 Go de disque dur = grand max 1 100 €
Elle est belle, la démocratisation. Ce qui me sert de transition pour le dernier point de mon hommage à Steve Jobs : pourquoi je suis anti-Apple.
La guerre des geeks
C'est plus fort qu'eux, tous les possesseurs d'Iphone me demandent constamment pourquoi je suis si farouchement opposée à leur marque favorite. Premièrement, j'ai envie de répondre "parce que c'est une marque" mais ça, c'est un argument d'adolescent. Deuxièmement, je me sens obligée de répliquer que je suis geek. Or, on ne peut pas prétendre être un geek si on n'a jamais participé au moindre débat "Mac vs PC" ou "Apple vs Microsoft vs Linux". Et encore moins si on n'a pas choisi son camp.
Les geeks qui ont choisi le camp Apple ont de très bonnes raisons (un peu naïves peut-être) : ils veulent que l'informatique soit facile pour tout le monde, que les ordinateurs soient beaux, les interfaces efficaces et les bugs inexistants. On ne peut pas les en blâmer, au contraire. Les geeks qui choisissent le camp adverse sont généralement des gens qui s'opposent à un avenir aussi cloisonné pour l'informatique.
Si on devait métaphoriser ça, on pourrait dire que pour l'instant, la majorité des gens mangent des légumes en conserve (Windows) ce qui est ni bon, ni mauvais. Parfois, ils choisissent de varier avec des surgelés (Apple) et d'autres fois, ils font la cuisine eux-même (Linux). Nous sommes tous d'accord pour dire que faire sa cuisine soi-même, bien que ça soit plus compliqué et risqué, c'est quand même ce qu'il y a de meilleur pour sa santé et son porte-monnaie, n'est-ce pas ?
Sauf que le problème, c'est qu'on va finir par ne plus manger que des surgelés si les entreprises de surgelés (Apple toujours) envahissent le marché de l'agoalimentaire (l'informatique, pour ceux qui ne suivent pas). Les surgelés, c'est plus simple, tout prêt, facile, et ça a bon goût. Plus la peine de s'ennuyer à faire la cuisine, tout est dans un sachet qu'on ouvre et qu'on consomme. Certes, c'est beaucoup plus cher que le reste, mais c'est tellement pratique qu'on est prêt à accepter des plats touts faits, même s'ils sont trop salés ou trop sucrés. Libre à vous de ne manger que des surgelés, donc... Moi je préfère la viande et les légumes frais, des conserves quand je manque de temps. Le seul risque, c'est qu'un monopole s'installe, qu'on perde toutes les recettes traditionnelles, qu'on devienne impotent à force de laisser le micro-onde tout faire à notre place et les surgelés dicter ce qu'il y a dans notre assiette. C'est plus clair, là ? Ou je m'énerve ?
Bref
Le décès de Steve Jobs est un événement grave dont on devait parler. C'est évident. Mais par pitié ! Pas avec cette admiration qui semble aveugler toute une population pour laquelle avoir un Mac, c'est comme avoir des chaussures de luxe ! Jobs n'était pas un ange, pas un dieu non plus. Tout juste un grand homme d'affaire et un show-man extraordinaire. Quand à ses produits, vous savez ce qu'on dit : l'enfer est pavé de bonnes intentions. Tiens, ça ferait une bonne épitaphe, ça.
Apple will fall... C'est pas moi qui l'ai dit, c'est Biz. Enfin, c'est une idée qu'il a piquée à Newton.