Quand des joueurs aident la médecine

Si jamais un jour quelqu'un vous reproche de passer tout votre temps à jouer sur l'ordinateur et a le culot de vous dire que ça ne sert à rien, vous pourrez lui rétorquer que si, les geeks font beaucoup pour le monde rien qu'en jouant. Pour preuve, une étude publiée il y a quelques jours dans la revue scientifique Nature Structural & Molecular Biology a pour co-auteur les joueurs de "Foldit" !

Foldit, kézako ? S'inspirant des classiques jeux d'énigmes tels qu'on en trouve un peu partout sur Internet, ce portail de jeu en ligne propose à une communauté de joueurs de résoudre des énigmes scientifiques. En gros, là où les chercheurs (peu nombreux) et les machines (pas malignes) échouent, des anonymes du monde entier tentent leur chance. Et ça marche ! Grâce à ce défi d'un genre nouveau, des avancées incroyables ont pu être réalisées dans le domaine de la recherche contre le virus du Sida.

Foldit est une création commune aux départements d'informatique et de biochimie de l'université de Washington. En mettant en commun les connaissances des uns et des autres, ainsi que la capacité logique des joueurs (et leur tenacité face à une énigme), le jeu est parvenu à trouver une solution à un problème posé depuis 10 ans. Il s'agissait de trouver la structure (en 3D) d'une protéine qu'on ne pouvait pour l'instant voir que depuis un microscope (donc en 2D). Cette protéine est une enzyme qui joue un rôle dans le développement du virus du Sida, et connaître sa configuration totale était le meilleur moyen de savoir comment la stopper.

Des milliers de joueurs de tous les âges et de toutes les formations se sont retrouvés en ligne et ont manipulé des chaînes d'acides aminés jusqu'à trouver un résultat cohérent. Une fois l'essentiel du travail de "construction" réalisé par les joueurs, les scientifiques n'avaient plus qu'à analyser les meilleures créations et ont trouvé en quelques jours seulement ce qu'ils cherchaient depuis si longtemps.

Foldit est la preuve que la sphère Internet est un extraordinaire moyen de relier toutes les connaissances humaines et tous ensemble, de réaliser de grandes choses. Si vous voulez participer, rendez-vous sur le site officiel de Foldit où de nombreux joueurs et de nombreuses énigmes passionnantes vous attendent.

Comments

[Eith]

Merci pour ces précisions Doctor Von Bizarman ;)

C'est vrai que ce genre d'initiative reste encore marginal, mais ça nous laisse un bel espoir quant au développement du net dans le monde et à son utilité... Et non, Internet libre, ce n'est pas que le "pillage" culturelle, c'est aussi son contraire :)

[bizarman]

Très jolie performance, en tout cas ^^
Et publication dans Nature... classe absolue!

Ce type de système semble en effet permettre une résolution de problèmes potentiellement très rapide (et à moindres frais, il faut bien le dire).

Si j'ai bien compris, Foldit fournit aux joueurs un certain nombre de modèles de base, calculés selon différentes approximations basées sur des simulations ou données expérimentales. Aux joueurs ensuite de manipuler les chaînes d'AA pour les faire correspondre à diverses protéines analogues. Une fois qu'une structure satisfaisante (énergie, morphologie des chaînes) a été trouvée, il ne reste plus qu'à la confirmer, par simulation et expérimentalement.

Cependant, si les structures déjà proposées correspondent déjà à un minimum d'énergie de la molécule, il semble assez difficile de la changer significativement... (limitation citée dans la publi)
Le temps gagné est considérable, mais il faut tout de même une validation des résultats par les chercheurs concernés. On pourrait bien se retrouver avec une masse de "propositions" qui traîneront dans les tiroirs et banques de données sans que personne ne trouve le temps de les valider.

Je pense qu'il faudra encore du temps avant que ces méthodes de crowd sourcing ne se généralisent dans le domaine de la recherche scientifique et médicale. En effet, faire appel au public pour résoudre des problèmes de haut niveau scientifique implique inévitablement la mise en place d'outils adaptés à ce public qui n'a pas forcément de formation pointue dans le domaine étudié. Ce qui n'est pas forcément évident à développer. Et les éditeurs de revues risquent de faire la grimace en voyant des articles signés par des pseudos louches...

Pas pour tout de suite,bien sûr mais l'utilisation de la "conscience collective" du net comme moteur pour notre innovation est une perspective qui me réjouit, en tant que geek, et en tant que scientifique. A condition, naturellement, de pousser la logique jusqu'au bout, par le développement d'outils libres.