Sucker Punch, le film le plus culotté de Zack Snyder
Des jolies filles en petites tenues, des zombies nazis, un hôpital psychiatrique, des robots tueurs, des orcs et des dragons, des samurais et un spectacle de cabaret : tout ça, et plus encore, dans un seul film.
Qui d'autre que l'inclassable Zack Snyder pouvait signer cet exploit plein de culot à une époque où Hollywood ne tente plus rien ?
L'histoire... Ou ce qui y ressemble
On ne sait pas son vrai nom, on ne le saura jamais...
L'a-t-on su ? De toute manière, il importe peu. Babydoll a été enfermée à tort dans un hôpital psychiatrique, et veut à tout prix en sortir. Pour cela, elle devra réussir 5 épreuves, que vous vivrez en direct depuis un monde imaginaire, celui de l'esprit déjanté de la jeune femme (et de Snyder, of course).
En fait, vous raconter le scénario reviendrait à essayer d'évoquer la Nuit sur le Mont Chauve sans vous faire écouter la moindre note de musique. C'est beaucoup plus simple que ça, c'est beaucoup plus complexe à la fois.
Un Snyder, ça ose tout, c'est même à ça qu'on le reconnait
Oubliez tout, et laissez-vous happer. Sucker Punch est un ovni de cinéma comme plus personne n'en fait. Quelque part entre Black Swan et Scott Pilgrim, il associe l'envie folle qu'a dû avoir ce cher Zack Snyder de réaliser plusieurs films en un seul, et son amour des intrigues retorses. Toute la popculture de ces 50 dernières années y fait une apparition-éclair, qui loin de transformer l'objet cinématographique en film de références, accentue le mal-être du spectateur et l'enfonce dans un insondable délire.
Bouche ouverte, poings serrés, on se prend toutes les images -sublimes, comme toujours- en pleine tronche sans jamais réussir à rire, pleurer, ou simplement ressentir quelque chose de défini. Il y a bien l'extase de ces combats complètement allumés, métaphores un peu lourdes des actions réelles de l'héroïne. Mais c'est tellement hyperbolique qu'on commence à avoir l'impression que le réalisateur -et pour la première fois scénariste- veut juste nous violenter. Avec moi, il y est parvenu. Je suis ressortie de là complètement sur les nerfs, surexcitée et au fond du trou.
Une seule phrase au bord des lèvres : "Putain, il a osé."
Cinéma = image + musique ?
N'en déplaise à tous ceux qui trouvent que la photographie et le travail numérique de l'équipe du réalisateur font "jeu vidéo", s'il y a bien un talent qu'on peut leur trouver, c'est celui de faire "beau". De la même école qu'un Jeunet ou qu'un Spielberg, Zack Snyder associe effets physiques et effets virtuels, mais au lieu de laisser l'image telle qu'elle (et les pixels apparents), il ajoute un traitement très exacerbé, qui mélange vrai et faux avec l'élégance d'un sépia foncé. Dans SP, ça claque. Surtout que la réalisation suit vraiment bien ! Pas mal inspirée des constructions des cases de bédés, elle attire le regard du spectateur attentif vers les petits indices dissimulés ici ou là, qui aident à la compréhension de l'histoire.
Le scénario, d'ailleurs, n'est pas toujours facile à appréhender si on ne s'attarde pas sur les chansons qui composent la BO. Celle-ci donne toute sa dimension et sa profondeur au film. Fana de codes et de sous-entendus, Snyder a particulièrement bien mis en avant cette bande-son très rock dont les textes collent aux images. Finalement, n'est-ce pas ça, le vrai cinéma : de la musique et de l'image ?
Snyder / Kubrick : même combat
Après avoir à peu près tout entendu ou lu à propos de ce film, une chose est sûre : Sucker Punch sera à Snyder ce que 2001 L'Odyssée de l'Espace fut à Kubrick.
Une oeuvre magistrale écrabouillée par une partie de la critique, diminuée par un public accro au premier degré, et dont quelques scènes trop "réalisées" et misant sur la culture (manquante) des spectateurs ont un effet désastreux sur l'ensemble. C'est fort dommage. Car pour qui y regarde à deux fois, Snyder signe ici un film puissant, où les magnifiques scènes d'action ne sont qu'un prétexte à rendre encore plus dramatique une histoire qui l'était déjà de prime abord.
D'ailleurs, si je fais référence à Kubrick, ce n'est pas uniquement parce que c'est à la mode. Lui aussi signait des adaptations controversées, bourrées de sous-entendus et de messages. Celui de Sucker Punch (premier scénario original du réa) est moins subtil que celui de 300, mais son pessimisme le fait apparaître en demi-ton.
Erreur de casting
Parce qu'il fallait bien que quelque chose ne tourne pas rond dans ce monde de poupées sexy, de nombreuses erreurs de raccord et des actrices plutôt fades gâchent un peu le plaisir du film. Je ne saurais vous dire si c'est fait exprès ou non, mais le jeu d'Emily Browning consiste en deux expressions, rester neutre et chouigner. Miss High School Musical (Vanessa Hudgens) prouve s'il en était besoin que lorsqu'elle ne chante pas, elle n'est pas meilleure actrice. Pour sa seconde collaboration avec Snyder, Carla Gugino donne le change, mais perd par moment son accent polonais pour des notes un peu plus... espagnoles.
Quant à la ravissante Abbie Cornish, elle sauve le tout avec des expressions parfois peu modérées mais toujours justes. Au final, c'est son personnage qui attire le plus l'attention du spectateur, tandis que les autres ne se distinguent que par leur plastique de rêve.
Une fois que vous serez allés voir le film, je vous laisse me donner votre avis : est-ce que c'était fait exprès pour servir le scénar... ou est-ce que Snyder a encore du mal à diriger ses actrices ?
Au final
Il n'y a que deux publics possibles pour Sucker Punch, qui n'est décidément pas à conseiller à la majorité. Soit vous êtes un fan de premier degré et apprécierez un film qui reprend grosso-modo les images de Onechambara Bikini Samurai Slayer. Soit vous aimez les énigmes, les mondes oniriques, et réfléchir un poil (en plus des combats contre des zombies nazis).
S'il n'est pas parfait et déplaira au plus grand nombre, le petit dernier de Zack Snyder vaut le coup d'être vu rien que pour découvrir comment on déguise un thriller psychologique en film d'action. Garanti sans testostérone.
On vous le conseille fortement !