Scott Pilgrim VS the world
Get the hot girl. Defeat her evil exes. Hit love where it hurts.
Sans doute arrivé jusqu'à nous par les méandres d'un sous-espace tarabiscoté via les rêves d'un gamer nostalgique, Scott Pilgrim VS the world est l'adaptation cinématographique du comic-book Scott Pilgrim, sortie le 13 août 2010 aux Etats-Unis et le 1er décembre de la même année en France. Véritable OVNI, au point qu'il m'a presque été difficile de savoir si je devais classer l'article comme film, jeu vidéo ou comic, l'œuvre s'avère l'une des productions les plus geeks et barrées de l'année passée. Et réalisée par Edgar Wright, le britannique à qui l'on doit Hot Fuzz et Shaun of the dead (dont Sushi vous donne un aperçu ici). Bien que son succès immédiat ait été modeste en terme d'entrée en salles, son bon accueil critique, ses qualités, ainsi que les ventes plus qu'honnêtes des DVD le préfigurent déjà comme un futur classique culte.
A l'origine, on trouve donc une série de comic-books du canadien Bryan Lee O'Malley en 6 volumes, parus entre 2004 et 2010. En France, les tomes sont parus jusqu'au quatrième, le cinquième étant prévu pour mars prochain. Scott Pilgrim suit l'histoire d'un jeune homme de Toronto, bassiste dans un groupe de rock amateur et "meilleur combattant de la province", qui avant de pouvoir espérer sortir tranquillement avec la fille de ses rêves, Ramona Flowers, doit vaincre en duel chaque membre de la Ligue des 7 ex maléfiques de cette dernière. Assez singulier par sa présentation en noir et blanc, et son univers délirant tout droit sorti des beat'em all de l'ère 8 et 16 bits, Scott Pilgrim a remporté plusieurs prix en 2005 (Doug Wright), 2007 (Harvey Award) et 2010 (Eisner Award). Le découpage des vignettes est en réalité très proche de celui d'un manga, sans compter le noir et blanc, au point que la série a plus de chances de se trouver en rayon parmi les productions japonaises qu'au milieu de ses soeurs américaines. L'histoire, bourrée de références pour geeks, otakus et hardcore gamers de tout poil, se pare également d'un humour redoutable que Wright a su retranscrire dans son adaptation, restant fidèle au scénario d'origine, malgré quelques simplifications et raccourcis inévitables, sur lesquels je reviendrai. Mais il est plus que temps de rentrer dans le vif du sujet, et déjà vous pressez avidement et répétitivement le bouton start dans l'espoir que le critique finisse son exposition pour enfin pouvoir attaquer la partie: le film en lui-même. Don't worry, the rock starts nowww*BLIP*
Le film commence donc dans la lointaine contrée de Toronto, au Canada, où Scott Pilgrim (Michael Cera), 22 ans, mène sa petite vie tranquille entre son rôle de bassiste dans un groupe de rock jusqu'alors sans succès, Sex Bob-omb, sa vie amoureuse déprimante, et Wallace, son coloc gay. Il se trouve que Scott tente présentement de sortir avec une lycéenne nommée Knives Chau, ce qui donne au groupe d'excellents prétextes pour le vanner... Mais voilà, il tombe un beau jour sur la mystérieuse mais néanmoins sublime Ramona Flowers (Mary Elizabeth Winstead), américaine et livreuse pour Amazon.ca, et ne pense déjà plus qu'à laisser tomber Knives (mais est-ce une bonne idée?) pour pouvoir sortir avec elle. Ce à quoi il parvient, plus ou moins, jusqu'à ce que... PAUSE! Bon, là, quinze minutes se sont écoulées, et le spectateur n'ayant ni vu la bande annonce, ni lu le comic se croit devant une banale comédie romantique pour teenagers un peu molle, malgré quelques bonnes répliques et des références visuelles et sonores aux comics et jeux vidéos. Même si la voix off et l'image font mumuse avec des sous titres, que des onomatopées et symboles apparaissent directement écrits à l'écran, et que le héros vide une "pee bar" en allant au toilettes, ça ne semble pas si incroyable que ça... jusqu'à ce que le premier ex maléfique de Ramona entre en scène.
En traversant le plafond d'une salle de concert. Puis en défiant Scott, avec une classe incroyable, une mèche rageusement rabattue devant l'un de ses yeux. Furieux parce que notre héros a complètement ignoré son précédent défi (qu'il a pris pour un spam) il se jette alors sur lui... et se prend une riposte magistrale de la part de Scott, assortie d'une magnifique onomatopée visuelle, qui marque le début d'un combat sidérant, hyperchorégraphié, tout droit sorti d'un jeu de baston codé sous acide. Oui, un 'VS' bleu clignotant apparaît bel et bien entre les deux personnages avant les hostilités, un combo-mètre se déclenche subitement (64 HITS!), et pour couronner le tout, le "boss" termine le combat en se lançant dans une chorégraphie à la Bollywood, complète avec danse, chant, danseuses démoniaques en arrière plan, tout ça en lévitant et en lançant des boules de feu!!! Et après une victoire de Scott au sujet de laquelle seul le mot "cymbale"sera prononcé officiellement, son adversaire explose dans une gerbe de... pièces d'argent alors que le bonus au score s'affiche. Et le temps de raccrocher votre mâchoire, d'essuyer la bave, et de reprendre vos esprits secoués, vous commencez lentement à réaliser qu'on a annoncé SEPT ex maléfiques. Il va y avoir au moins SEPT bastons dans ce genre là.
Et les promesses sont tenues. Chaque ex possède ses particularités, son style de combat, et chaque affrontement est encore plus barré que le précédent, augmentant sans cesse le niveau de délire et le nombre de références vidéoludiques. Truffés de one-liners absolument savoureux, exagérés jusqu'au ridicule mais diablement scotchants, ces combats propulsent le film à un niveau tout autre que son démarrage, lui donnant définitivement sa couleur geek. Imaginez simplement des effets voix off directement tirés de Street Fighter: VERSUS! ... ... K.O!!! Sans compter que les ex maléfiques sont tous des personnages absolument exquis à regarder, très variés mais tous parés d'un look, de manières et d'aptitudes offensives qui provoquent un petit frisson d'expectative chez le spectateur, dans l'attente du nouveau délire que la suite lui réserve. Batailles musicales, créatures invoquées par le pouvoir du Rock, défis, armes tirées de Soul Calibur... chaque duel réserve son lot d'originalité, et Scott devra incessamment trouver de nouvelles techniques totalement différentes pour achever ses ennemis... différentes et souvent très... décalées. L'hilarité s'ensuit, et fait de Scott Pilgrim VS the world l'un des films les plus jouissifs à regarder de ces dernières années.
Sans compter que la technique suit parfaitement: la mise en scène des combats permet de suivre parfaitement l'action, presque aussi clairement que si vous aviez... la manette en main. Et le cocktail d'effets visuels ne fait qu'ajouter à l'ébahissement du spectateur; les effets spéciaux traditionnels sont certes bons, mais si en plus on compte tous les ajouts d'éléments tirés des jeux vidéos, les fameux effets sonores visuels qui sont la marque de fabrique du film, on peut comprendre un peu mieux pourquoi une recette aussi explosive fonctionne aussi bien pour divertir le spectateur. Oh, et il y a la musique, également. Tout aussi sciante que le reste, comme on pouvait s'y attendre. Déjà, le film s'ouvre sur le logo d' Universal, accompagné du thème de la compagnie en version 8 bits! Et bien sûr tout le reste du film repose soit sur des pistes très rock'n'roll (le héros est bassiste, tout de même, le rock est même une arme redoutable au combat!), soit sur des thèmes directement inspirés ou repris de divers jeux vidéos (Zelda et Final Fantasy sont même directement mentionnés). Ou des bruitages savoureux d'origine contrôlée consoles 8 bits.
Et n'oublions pas les acteurs, qui, comme je l'ai précisé en évoquant les méchants du film, sont géniaux, à fond comme ils le sont dans le délire. Pour ce qui est de l'interprète de Scott...Alors oui, Michael Cera a peut être l'air plaintif et peu dynamique, mais cette attitude est tout à fait assimilable à son personnage, qui reste un jeune homme toujours déprimé et n'ayant aucune confiance en lui...Quand il n'est pas occupé à tataner de l'ex maléfique, auquel cas il devient l'incroyable badass que j'ai déjà décrit. Et pour ce qui est de balancer des one-liners classieux après avoir botté des fesses, l'acteur est vraiment excellent.
Et bien sûr il y a l'humour... en plus de jouer sur un mélange entre le cinéma et des éléments directement tirés des jeux vidéos et comics, le film comporte également des blagues plus conventionnelles, sous forme de répliques savoureuses, et de quelques running gags repris du comic, comme l'âge de Knives ou les capacités de séduction de Wallace le coloc gay. Souvent pour illustrer les quelques scènes de "pauses" entre les bastons qui permettent de faire quelque peu avancer l'intrigue, et surtout, de faire reprendre son souffle au spectateur. Sachant que les références, elles, ne s'arrêtent jamais, et il conviendra de faire très attention à tous les détails présents à l'écran, car de nombreux clins d'œil se cachent à l'arrière plan au milieu des détails. Une raison supplémentaire d'accorder au film plusieurs visionnages, au cas où son caractère atypique et survolté ne vous en aurait pas déjà convaincu. J'ai déjà longuement discuté des références vidéoludiques générales présentes lors des combats, mais un spectateur attentif repérera sans peine des références sonores, visuelles ou dans les dialogues à de nombreux jeux vidéos, de Mario à Half Life en passant par Dance Dance Revolution, qui existe dans l'univers sous le nom de...Ninja Ninja Revolution! Et même un spectateur n'ayant jamais touché une manette de Wii de sa vie notera sans peine une forte ressemblance avec No More Heroes, surtout lors du combat final. (vous savez, ce jeu dans lequel un otaku du nom de Travis Touchdown entre en possession d'un sabre laser, s'en sert pour trouver du boulot en tant qu'assassin à temps partiel, et accessoirement pour éliminer ses dix rivaux, tous des psychopathes qui n'auraient pas l'air déplacés dans un Tarantino)
Ceci dit, et tout jouissif qu'il soit, le film reste l'adaptation d'un comic en 6 tomes plutôt chargés en personnages et interactions, sans oublier quelques twists scénaristiques assez complexes... Il est compréhensible qu'un film de deux heures ne pouvait pas garder l'intégralité des éléments du matériau d'origine, et comme Edgar Wright a pris le parti de conserver principalement l'action et le fun, le background de la plupart des personnages n'est pas réellement expliqué. Pas plus que le mystèrieux "subspace", qui explique pourquoi Ramona est une livreuse aussi efficace, ou comment elle peut tirer ce marteau géant de son sac à main... Des références à ces éléments sont faites à l'attention des fans, bien sûr, mais ne sont pas indispensables pour comprendre le film. Deux courtes séquences en animation ont également été publiées avant la sortie du film,revenant sur les années de fac de Scott et sur l'histoire de ses conquêtes d'alors.
Quelques changements simplificateurs sont également réalisés par rapport au comic, principalement au niveau de la fin qui n'était pas encore publiée à l'heure du tournage, et est donc basée sur des notes préliminaires de l'auteur. Le film reste néanmoins extrêmement agréable à regarder, et constitue de fait une bonne introduction à l'univers du comic. En revanche, peut être pourrez vous penser que, comme le dit explicitement l'un des personnages du film à la fin, "le comic est meilleur".
Ah, mais au fait, la plupart des films ont une adaptation en jeu vidéo, qu'en est-il de celui-ci qui en est presque déjà un? Et bien il existe en effet, un jeu vidéo Scott Pilgrim... mais bien plus proche du comic, disponible pour 10€ sur le XBox Live Arcade et le PSN, et designé comme un beat'em all de console 8 bits! A l'image de la série, donc, et à des lieues des traditionnelles adaptations de licence ratées.
Que dire, en définitive, sur ce film surprenant à plus d'un titre, qui non content d'adapter de façon très satisfaisante un comic pour le moins atypique, s'avère l'une des œuvres cinématographiques les plus délirantes, jouissives et hallucinantes de ces cinq dernières années? Peut être rappeler que ce genre de délire peut ne pas vous plaire, bien sûr, quand une production va aussi loin dans le genre complètement barré, soit on adore, soit on déteste. A la croisée entre trois univers, Scott Pilgrim VS the World vaut décidément le coup d'œil alors laissez vous tenter, installez vous confortablement dans votre siège, essayez d'oublier toute logique, et enjoy the partyyyy!
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