Le nouveau protocole
2007
de Thomas Vincent
avec Clovis Cornillac, Marie-Josée Croze
Raoul Kraft vit seul dans son exploitation forestière. Un matin, il apprend la mort de son fils dans un accident de voiture. Un drame banal, conclut la gendarmerie. Mais une jeune femme, Diane, arrive de Paris, pour lui révéler des informations troublantes. Cet accident n'en est peut-être pas un. Elle parle de laboratoires pharmaceutiques, de médicaments expérimentaux. Son fils participait à un protocole médical. Il testait un nouveau médicament... les effets secondaires pourraient être à l'origine de sa mort.
Wahou. Difficile de croire que certains ont détestés : trop mou, mauvais scénario, n'a rien d'un thriller, trop français... (cf les critiques d'allociné). Moi j'ai été tout de suite emballée. Le jeu des acteurs est impeccable, Cornillac est grandiose et on ne peut plus convaincant dans cette homme meutri qui découvre un monde malsain, mais refuse d'y basculer. Le scenario est très bon et joue sur le fil délicieusement savoureux du doute : Les laboratoires sont ils vraiment responsable ? est ce que Dianne, altermondialiste qui n'a plus rien à perdre, va trop loin ? en un mot, la cause est t'elle juste pour qu'on se batte pour elle, et jusqu'à quel point ?
Enfin l'image, sans être géniale, reste moderne, agréable à l'oeil, avec un style nerveux mais sans être trop rapide. Et elle met bien en valeur le côté réaliste du film. En fait, l'image tire à la fois de la sensibilité et de la nervosité d'un film pris caméra aux poings, et le côté large visuel permettant de bien tout comprendre ce que l'on voit.
Parlons en, du réalisme... alors oui, comme dans n'importe quel film, c'est abérant de voir avec quelle facilité les héros s'infiltrent partout (ou trouvent tout de suite le bon dossier sur des centaines en une minute), mais certains détails sont franchement saisissant, comme la poursuite par les flics (le héros devient parano et voit des flics partout), et d'un gros spoiler qu'il faut pas que je vous dise... ou tout bêtement le fait qu'il n'arrive pas à casser une vitre pour s'échapper.
Enfin, j'ai adoré la façon dont ils ont traités ce sujet au combien brûlant. Le film ne prend aucun partis (ou presque), personne n'est épargnée dans cette histoire, et c'est à chacun de voir la vérité qu'il désire. Ce que le Nouveau Protocole traite, en plus de lobby pharmaceutique lui même, c'est cette société étrange dans laquelle on vit, une société qui peut se montrer très violente, et dont on ne peut obtenir aucune certitude.
EN PLUS :
voilà quelques morceaux choisis d'interviews :
S'il prend la forme d'un thriller, le film se réfère à des faits réels, comme le souligne Thomas Vincent : "Les documents rassemblés par Eric Besnard
qui a longuement enquêté sur le sujet m'ont surpris par le cynisme
généralisé qui est mis en oeuvre. Le film s'ouvre sur une campagne
d'essais cliniques en Afrique, inspirée de celle d'un laboratoire
américain au Nigéria dont l'affaire est encore en cours de jugement.
Quand le personnage de William interprété par Gilles Cohen
parle des essais de protocole antisida sur les prostituées au Kenya,
c'est aussi une affaire réelle. On fait courir des risques à des gens
qui ensuite n'auront même pas les moyens de s'acheter les médicaments
dont ils sont les cobayes (...) L'autre aspect intéressant et moins
connu évoqué dans le film, c'est la façon dont l'industrie
pharmaceutique peut créer des pathologies. Ils sont juge et partie.
Tous les ans, on est captif d'un nouveau syndrome. Au travers de
campagnes d'informations et de pub, on nous dit "vous avez du
cholestérol, vous allez mourir". Alors tout le monde panique et veut
être mis sous anti-cholestérol... "
Dans le film, le nom de géants pharmaceutiques existants sont cités. Ils ne doivent pas apprécier…
Clovis Cornillac : … en effet, même si ces noms sont cités par
le personnage de Diane (Marie-Josée Croze), en pleine paranoïa. Eric
Besnard est le genre de scénariste à envoyer du monde se renseigner de
près sur le sujet qu’il traite à l’écran, et il ne fait référence qu’à
des faits avérés, publiés dans la presse. Mais je sais que les
laboratoires ont envoyé des représentants de la communication sur le
tournage du film et aux premières projections. Ils ont tous dit que le
sujet ne leur plaisait pas beaucoup, mais que le film était bon… Par
derrière en revanche, ils étaient très en colère, mais pratiquent la
politique du « dos rond », pour ne pas soulever une polémique qui ne
leur serait pas forcément favorable.
Le message fort du film est qu’« on a tous signé ce protocole » qui
consiste à accepter de se soigner sur le dos de ceux qui sont vraiment
malades…
Clovis Cornillac : Oui. Kraft est d’ailleurs assez radical dans
le fait de ne pas prendre de position ! Il pense que laisser le temps
au temps est meilleur qu’une révolution, qui laisserait émerger
quoiqu’il arrive ses nouveaux apparatchiks. A l’inverse de Diane, qui
s’engage avec violence dans des groupes altermondialistes. La frontière
entre la normalité et la paranoïa est dès lors assez mince : c’est un
cercle vicieux, car une fois sur dix les paranoïaques ont effectivement
raison…