Symphonie pour une mer d'étoiles...
Insignifiante lueur au sein du cosmos, la Galaxie décrit sa spirale infinie, indifférente aux remous du temps. Témoin immuable de l'Histoire humaine, elle fut et sera le théâtre d'autant de drames que de glorieuses victoires. L'ambition et le désir de pouvoir caractérisant notre espèce paraissent pourtant ridicules au regard de son immensité. Mais la trace de notre passage, marquée au fer rouge dans de cruels flots de sang, demeurera inscrite à jamais au milieu de la mer d'étoiles. Avènements, guerres, haine, amour, trahisons sont autant de preuves de notre nature profonde, sans cesse répétées dans les boucles du temps. Et au fil de ces cycles, parfois surviennent des périodes dont l'éclat transcende les étoiles... Ces temps de gloire et de décadence mêlées, sont les époques où surviennent les êtres les plus exceptionnels, des époques pour les héros!
Oui, c'est bien de héros qu'il sera question ici. Des héros d'un futur lointain, mais de la trempe des grandes figures ayant déjà changé l'Histoire de l'humanité. Le titre de l'anime ayant un si prestigieux casting parlait d'ailleurs de lui-même: Ginga Eiyuu Densetsu (abrégé GinEiDen), que les anglo-saxons traduisent tout simplement (et littéralement) par Legend of the Galactic Heroes (LOGH). L'écran titre de la série, lui, se complaît à donner le titre en Allemand (Heldensagen von Kosmosinsel) nous en comprendrons la raison plus loin. Legend of the Galactic Heroes? GinEiDen? Mais qu'est ce donc, vous demanderez-vous? Même si de nombreux blogs et forums d'otaku ont commencé à parler de cette série depuis quelques années, elle reste fort méconnue, et il est temps pour moi de remédier à cela, ou tout du moins, d'aporter ma pierre à l'édifice.
A la base Ginga Eiyuu Densetsu est une série de 15 romans de Yoshiki Tanaka, publiés entre 1984 et 1987 pour les dix tomes concernant l'histoire principale, et de 1987 à 1989 pour les 5 tomes d'histoires annexes, qui constituent une préquelle à la série principale. Vous aurez donc remarqué que ça date un petit peu. L'adaptation animée ne s'est pas faite attendre: dès 1988, un film d'animation "My conquest is the sea of stars" a été réalisé; il fut le point de départ d'une longue série animée. La première saison a vu le jour sous forme d'OAV; elle fut suivie par trois autres au même format, et leur publication dura jusqu'en... 1997! Il faut dire que le tout compte 110 épisodes, auxquels il convient d'ajouter deux séries couvrant les histoires annexes (1998/1999), ainsi qu'un deuxième film "Prelude to a new war" reprenant les deux premiers épisodes. Cela fait de Ginga Eiyuu Densetsu la plus longue série d'OAV jamais créée, avec 162 épisodes ! Attention, nous parlons bien d'OAV ici, c'est à dire que la série à été vendue directement en vidéo; il évident que de nombreuses séries télévisées la dépassent en nombre d'épisodes (faute de pouvoir la dépasser sur les autres plans, diront certains).
Si peu de gens connaissent la série, c'est qu'elle n'a jamais été exportée du Japon vers nos contrées de manière officielle; la seule exception étant le premier film, qui fut édité chez nous par Kaze dans les années 90. Pourtant, de courageuses teams de fansub se sont attaquées à ce monument; la team US Central-anime a été la première à finir le sub de la série, la rendant ainsi disponible pour un plus large public; mais cela n'a été réalisé qu'à partir de 2006, et achevé seulement en 2008. La réédition de Gineien en DVD au Japon en 2003 n'est sûrement pas étrangère à cet état de fait. Il est donc normal que cette vieille série renaisse actuellement de ses cendres, et se fasse connaître peu à peu, via ce qui tient plus du bouche à oreille que d'un buzz publicitaire soutenu. Notez que le fansub français est en cours, mais les épisodes sont publiés à un rythme trèèèès lent; seul le tiers de la série existe en vostfr à l'heure où j'écris.
On est alors en droit de se demander pourquoi une production aussi ancienne, qui ressurgit au milieu de séries plus modernes et logiquement supérieures sur le plan technique, déclenche une telle passion chez les quelques élus ayant eu le bonheur de la découvrir. Les entendre la qualifier du plus grand monument de la SF japonaise, ou de meilleur Space-opéra de l'Univers ne peut que piquer la curiosité: quels sont donc les atouts faisant de cette série une Légende?
Le premier, et non le moindre, est le scénario.
Gineiden commence pourtant comme un space opéra old school classique, surfant sur la vague Star Wars qui battait son plein à l'époque: à la fin du 36ème siècle de notre ère, l'humanité s'est répandue dans toute la Galaxie, et est divisée en deux camps en guerre depuis plus de 150 ans. D'un côté, l'Empire Galactique, autocratie "à l'ancienne" inspirée de la Prusse du XIXème siècle et de l'empire Austro-hongrois, avec sa cour fastueuse, ses nobles intrigants et sa puissante armée; de l'autre, l'Alliance des Planètes Libres, fédération démocratique, mais très corrompue. Entre les deux camps se dresse une troisième force, neutre mais qu'aucun ne peut négliger: la planète indépendante de Phezzan, qui détient une importante influence économique et profite de la guerre en commerçant armes et machandises vitales avec les deux camps.
Dans ce contexte de guerre permanente où d'immenses flottes intergalactiques se trucident joyeusement au détour de chaque système solaire, vont surgir deux hommes d'exception, stratèges de génie, qui à leur manière changeront l'Histoire. L'ambitieux Reinhard von Lohengramm (à droite de l'image) chez les impériaux, et le plus posé et désinvolte Yang Wen-li pour l'Alliance. Bien qu'ils aient une franche estime l'un pour l'autre, tout semble les opposer: leurs convictions de base tout d'abord, mais aussi leur façon d'agir et de penser. Reinhard,désabusé par une dynastie impériale décadente qui lui a pris sa soeur Annerose (elle a été achetée comme concubine par le Kaiser), s'est juré de devenir l'étoile qui changerait à jamais cet univers: si pour libérer sa soeur et se venger du pouvoir en place il doit le renverser et conquérir toute la galaxie, alors il le fera. Son ambition est à la hauteur de son génie militaire et politique, et bien des nobles jaloux se sont cassé les dents sur le "morveux blond"... Essence même du conquérant insatiable et despote éclairé, Reinhard est aussi populaire dans l'armée qu'auprès du peuple, et son ascension jusqu'au sommet ne semble qu'une question de temps. Aidé de son ami d'enfance Siegfried Kircheis, il s'entoure des meilleurs amiraux et impose peu à peu sa volonté à l'Histoire elle même...
Yang Wen-li en revanche, ne nourrit aucune ambition personnelle: son seul désir était d'être historien, mais, par manque de moyens il a dû entrer à l'école militaire, d'abord en études historiques, puis au département de stratégie lorsque le département historique fut fermé. Sans cesse bridé par des supérieurs bornés et/ou craignant sans raison véritable son influence, sa connaissance de l'Histoire et sa grande intelligence en font un stratège stupéfiant, au point qu'on le surnommera rapidement "le Magicien" ou "Miracle Yang". Il cache cependant son talent derrière sa désinvolture et sa paresse légendaire, vivant au jour le jour, préférant les grasses matinées et le thé au Brandy aux champs de batailles galactiques. Yang croit profondément en les valeurs de la démocratie, ce qui le poussera à défendre jusqu'au bout un système qui pourtant s'écroule, rongé de l'intérieur par sa propre corruption. Arguant que même si le système actuel de l'Alliance est pourri jusqu'à la moelle, les valeurs de base de ce système ne doivent pas disparaître, Yang est à la fois idéaliste et profondément réaliste. Un de ses amis le qualifiera ainsi: "Yang Wen-li possède une grande connaissance du passé. Il peut prévoir le futur assez clairement. Mais il n'a aucun talent pour vivre l'instant présent."
Chaque camp ayant son héros attitré, vous commencerez sans doute à comprendre un aspect essentiel de Gineiden: le manichéisme est totalement absent. Oui, une logique primaire voudrait que l'Empire soit plein de vilains pas beaux, et que l'Alliance malgré sa corruption soit un vecteur d'espoir pour tous ceux qui croient en la liberté et la démocratie blablabla... Or, à part dans les discours des politiciens de l'Alliance qui justifient ainsi l'envoi de millions de soldats au casse pipe, pour être réélus en cas de "victoire éclatante", vous ne trouverez pas une telle approche simpliste dans Gineiden. Ce à quoi on a affaire, c'est un récit clairement présenté comme une chronique historique, se voulant le plus neutre possible. On notera quand même un petit chouia de favoritisme pro-impérial chez les scénaristes, mais bon, pour une fois qu'on peut être pour ceux qui ont le leader charismatique et les meilleurs uniformes, on ne va pas se priver. BREF, tout ça pour dire que la série alterne constamment entre les visions des deux camps, nous présentant des personnages extrêmement humains et particulièrement crédibles.
Personnages qui sont la force motrice du scénario, ou devrais-je dire de l'Histoire. Reinhard et Yang ne sont pas seuls dans l'univers, et chacun se voit entouré d'un casting assez conséquent, et pas forcément bien intentionné. Car être un homme d'exception, c'est dangereux: jalousie, trahisons, complots et confrontations d'ambitions diverses sont monnaie courante, et les deux hommes devront souvent se méfier plus de leur propre camp que de l'ennemi désigné. Les personnages sont de plus particulièrement nombreux, une centaine au bas mot, et on remercie vite les créateurs de la série d'avoir pensé à écrire à l'écran le nom d'un personnage quand il aparaît pour la première fois ou qu'il revient après quelques dizaines d'épisodes d'absence. Tous n'ont bien sur pas la même importance; mais Yang et Reinhard sont loin d'être les seules têtes d'affiches. On pensera immédiatement à l'Amiral Reuental, grand stratège de l'Empire et personnage tragique au premier sens du terme: il se fera discret dans la première saison, pour véritablement prendre son envol par la suite jusqu'à un rôle de premier plan, le menant à une fin aussi brillante qu'inévitable.
La série étant assez ancienne, et se déroulant dans un contexte plutôt guerrier et politique, les personnages féminins sont très peu nombreux. En revanche, les filles présentes à l'écran, bien que souvent légèrement en retrait, sont tout sauf des cruches, et la notion de "fan-service", au sens courant est absente (oubliez les uniformes serrés et les mini-jupes, vous n'en verrez pas souvent...). On ne peut nier que ces femmes de caractère influent également, au moins indirectement, sur l'avenir de la galaxie... On théorise souvent sur ce que Yang aurait pu (ou dû) faire lors de la bataille de Vermillion, vers la moitié de la série... Mais on oublie souvent le rôle pourtant primordial qu'a alors joué Hildegard von Mariendorf, l'assistante de Reinhard, dans l'issue de cette bataille...
Ces personnages justifient parfaitement le titre de la série: tous, à leur manière, sont des "héros", qui influeront sur les évènements à une échelle plus ou moins importante. Le terme reprend ici son sens premier, s'écartant des standards de l'animation Japonaise pour lorgner du côté de ceux des comportements humains, avec de fortes références historiques. De grandes figures charismatiques côtoient des intrigants plus discrets mais influents, et la mosaïque de caractères présentés explore tous les aspects d'une humanité ballotée par les remous de l'Histoire, et au bord de bouleversement majeurs d'un équilibre durant depuis des décénies. Plusieurs personnages seront à ce titre particulièrement marquants: citons Paul von Oberstein, incarnation du machiavélisme, parfaitement conscient d'être un "mal nécessaire", et qui ne recule devant rien pour assurer la pérénnité du Nouvel Empire de Reinhard. Nous avons également Schenckop, fier général de l'Alliance (descendant d'un exilé impérial) spécialiste du corps à corps, ou encore l'honnête amiral Mittermeyer, connu pour ses manoeuvres rapides, le sournois leader de Phezzan, Rubinsky, et l'on pourrait continuer des heures... Terminons par évoquer le jeune Julian Minci, pupille de Yang Wen-li et l'un des personnages les plus jeunes de la saga: il est d'ailleurs le seul à avoir l'évolution d'un héros de Shonen classique, mais il fait plus figure de témoin des évènements que de véritable vecteur de changements. Nombreux seront les personnages qui connaîtront un destin funeste, et leur mort sera souvent rapide, sobre et brutale, à des lieues de la fin que réservent la plupart des animés à leurs figures charismatiques (enfin, quand ils osent les tuer...) L'épisode 82 en est une illustration magnifique, éliminant un personnage plus qu'important d'une façon que personne n'oserait mettre en scène de nos jours.
De plus, contrairement à de nombreuses sagas spatiales, Gineiden ne présente pas de civilisations "extraterrestres": on se cantonne aux rapports entre humains, qui nous renvoient à notre réalité sans détours, et pas toujours innocemment. Le travail réalisé sur le background de la plupart des personnages est impressionnant, et encore une fois, axe Gineiden sur la chronique historique.
De ce côté là aussi, l'univers est développé dans le détail; la chronologie est extrêmement fouillée, avec deux épisodes entiers (situés vers le milieu de la série) de mise en place historique qui retracent toute l'Histoire de l'humanité depuis le XXIème siècle ! De nombreux détails ajoutant à la cohérence de l'ensemble sont égrenés au fil des dialogues, permettant de se représenter avec précision la situation passée et actuelle des forces en présence. La voix off intervient également au début et à la fin de chaque épisode, rappelant la date et ouvrant sur les évènements à venir; elle y va également de ses commentaires lorsqu'il s'agit de réaliser le bilan d'un évènement important, de commenter une décision ou de faire le bilan d'une bataille. Batailles qui n'arrivent jamais au hasard: chacune est minutieusement préparée, liée à la trame générale et abondamment discutée. Une intrigue qui a l'ambition de présenter des conflits géopolitiques à l'échelle d'une galaxie se doit d'être portée par de nombreux dialogues et débats. Cette abondance de discussions peut faire peur au début, mais pour peu que l'on s'intéresse à la trame de l'animé, tout ce blabla stratégique et politique devient passionnant à suivre, étant la véritable architecture de l'un des univers de SF les plus complexes et détaillés qu'on ait pu voir. C'est à un véritable jeu d' échecs intergalactique que l'on assiste, chaque coup joué donne l'envie d'assister à la suite de la partie; à ce titre, certains retournements de situation sont particulièrement brillants. D'un certain point de vue, le rythme de la série est lent, étant donné le nombre de dialogues; mais en réalité, les épisodes sont plutôt denses, et tous indispensables à l'histoire. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des longueurs de temps en temps ( au début de la saison 3, par exemple), mais pas un seul des 110 épisodes de l'histoire principale ne se montre totalement inutile. Et les répercussions de certains évènements en apparence mineurs pourront devenir capitales, parfois bien des épisodes plus tard, changeant la face d'un des univers les plus riches jamais présentés dans un anime.
Quand aux batailles... ce sont elles qui nous font prendre conscience d'un autre aspect important de Gineiden: la démesure, mais qui sait rester crédible et cohérente, sans retournement de situation tiré par les cheveux ou de super-armes ultimes surgissant du chapeau. La guerre entre l'Empire et l'Alliance est à l'échelle galactique, et les batailles sont donc adaptées à ces dimensions titanesques. Ce sont de gigantesques flottes qui s'affrontent dans l'espace: des dizaines de milliers de vaisseaux de chaque côté, contenant des millions d'hommes ! Voilà qui donne tout son sens au qualificatif de space-opéra épique auquel prétend la série. Et même si il y a un peu de canardage bourrin à coups de lasers à plusieurs millions de km de distance, l'essentiel des batailles se veulent stratégiques. Les deux personnages principaux sont avant tout des génies militaires, la plupart de leurs subordonnés ne sont pas mauvais non plus, et la stratégie militaire fait bien la paire avec les machinations politiques. Conclusion, on ne pouvait y échapper. Des schémas tactiques plutôt simples résument l'avancée et les mouvements des troupes, ce qui permet en général de comprendre aisément les différentes étapes des batailles, et d'apprécier à sa juste valeur le génie des tacticiens, comme si vous y étiez. La victoire ne revient pas forcément aux plus nombreux, mais aux meilleurs stratèges, cela va de soi. Mais on reste dans le raisonnable, une tactique géniale ne sert pas à grand chose quand votre flotte est en loques et encerclée par l'ennemi. Vous ne verrez jamais deux fois la même bataille dans Gineiden, et il faut reconnaître que certaines astuces sont plutôt impressionnantes; pour l'originalité, la palme revient à Yang Wenli qui arrive à bricoler une victoire en utilisant judicieusement tout ce qu'il a sous la main, que ce soient des blocs de glace carbonique, des astéroïdes ou même un trou noir !Le côté "jeu d'échecs" déjà perceptible lors des joutes politiques devient prépondérant lors de l'action. Et encore une fois, la série puise ses références dans l'Histoire, en adaptant toutefois les stratégies à son univers spécifique.
Les batailles prennent parfois un tour plus bourrin, parfois même un peu gore, lorsque l'on plonge pour un temps aux côtés des soldats de base, démembrés par l'explosion de leur vaisseau, pirouettant dans les combats de chasseurs, ou livrant un corps à corps acharné avec l'ennemi, en général... à coups de hache ! Au spectateur de décider si ces séquences plus brutales sont nécessaires à l'immersion, et permettent de varier les points de vue, ou des ajouts inutiles, placés là parce que les dessinateurs voulaient se lâcher un peu.
Au travers de la mise en scène de cet univers lointain, mais pourtant proche de nous et étonnamment cohérent, Gineiden s'offre le luxe d'une véritable réflexion sur l'Histoire de l'humanité, axée autour d'un combat sans fin entre autocratie et démocratie, sans diaboliser la première ni idéaliser la seconde. En réalité, les valeurs de base d'un système importent moins que l'utilisation qui en est faite, et l'on en vient à se demander si comme Yang, l'on acceptera sans conditions la pire des démocraties plutôt que la meilleure des dictatures, ou si l'on ne préférerait pas vivre sous l'autocratie quasi-utopique de Reinhard ("Ce n'est pas un gouvernement PAR le peuple, mais un gouvernement POUR le peuple"). La dictature n'est pas pour autant glorifiée, l'empire décadent qui précède les réformes de Reinhard n'a rien à envier à l'Alliance saignée à blanc par des politiciens manipulateurs et cupides... Simplement, comme dans 90% des récits, la dictature est considérée comme un mal absolu, avec de bonnes bases il faut le reconnaître, il fallait bien rééquilibrer la balance afin de comparer plus justement les deux systèmes. La série livre ainsi au fil des épisodes une étude passionnante, entre la lucidité de Yang Wenli et les ambitions toutes napoléoniennes de Reinhard. Et l'inspiration clairement passéiste de la série va bien dans le sens de la réflexion historique, puisant des références sans concessions dans toutes les époques afin de montrer, une fois de plus et de façon implacable, que ce qui meut l'Humanité ne changera jamais, quelle que soit l'époque ou le lieu. D'ailleurs, pas mal des assassinats de la série se feront au couteau ou au poison. Il peut également sembler étrange de voir des haches côtoyer des fusils laser, ou des complots aristocratiques entre deux batailles intergalactiques entre vaisseaux voyageant à vitesse supra-luminique... Ceci dit, ces détails un peu surprenants, pouvant sembler décalés, sont autant de rappels des ambitions historiennes de la série... qui se permet tout de même un certain nombre de références plus poussées.
On ne pourra nier le parrallèle plus qu'évident entre le fondateur de l'Empire Galactique et Hitler (ancien militaire, élu démocratiquement, lois eugéniques...); et l'inspiration germaniste de l'Empire comme les couleurs du drapeau de l'Alliance renvoient directement à une certaine WW II. Et à moi, le nom de la junte militaire qui dirigera brièvement l'Alliance rappelle une certaine Révolution... Quelques références plus exotiques piochées ici et là agrémenteront la série, comme par exemple le noble révolté qui se prend pour un Empereur Romain, ou la secte religieuse dirigée par des hommes en manteau noir et capuche et qui mettra plusieurs fois son grain de sel dans le jeu politique de notre Voie Lactée, et subira d'ailleurs quelques représailles en retour...
Vous avez sans doute, en voyant les screens disséminés dans l'article, pensé que la série avait vraiment pris de l'âge. Effectivement, graphiquement, rien de transcendant surtout dans les premières saisons: peu de dessins et d'animation, une mise en scène très sobre, et un chara-design qui semble venir d'une autre époque (avouez que vous avez pensé "Albator !"). Alors oui, Gineiden, c'est vieux, et ça choque un peu au début, lorqu'on s'est habitué à des séries plus récentes; les combats au sol surtout sont assez, heum... douloureux, et les vaisseaux bougent peu à l'écran lors des premières batailles, se résumant à des points lumineux, les mouvements souvent retranscrits sur les schémas tactiques. Mais même de ce côté là, de bonnes surprises vous attendent. Car si la qualité graphique est inégale tout au long de la série, certains épisodes vous réserveront des plans magnifiques, parfois de simples crayonnés, ou même des batailles exceptionelles: Amlitzer qui se déroule pourtant lors de la première saison est graphiquement magistrale, toutes proportions gardées encore une fois. D'ailleurs, lorsque je vous disais que la série était une étude historique... elle retranscrit aussi l'histoire de l'animation japonaise, sur près de 10 ans! On reste toutefois fidéle au chara-design original, lequel s'avère finalement excellent et change des conventions habituelles, tout en améliorant le rendu graphique au fil du temps; la quatrième saison atteint une qualité tout à fait satisfaisante, même au regard des spectateurs exigeants que nous sommes aujourd'hui. De toute manière, étant donné la richesse scénaristique de la série, ses graphismes vieillots et son style un brin kitsch deviennent vite le cadet de vos soucis. J'irais même jusqu'à dire que les schémas tactiques seuls suffiraient presque pour apprécier les batailles...
Et avec tout ça -sacrilège- j'oubliais de vous parler de la bande sonore ! Et si elle n'est pas "originale", c'est qu'elle est presque exclusivement constituée... de musique classique. Oui, les complots et batailles intersidérales sont illustrés par des grands noms tels que Beethoven, Mozart, Wagner, Ravel ou Dvoràk. Tout l'art des réalisateurs a été de choisir judicieusement ces morceaux afin de renforcer le grandiose de la saga. Et on peut dire que c'est réussi, voir une bataille entre des milliers de vaisseaux sur des airs tels la Charge des Walkyries ou la Vème Symphonie est quelque chose que l'on oublie pas de sitôt.
Un mot des doubleurs, enfin: qui dit nombreux personnages, dit nombreux doubleurs nécessaires; et ceux de Gineiden sont parmis les plus célèbres. La plupart on travaillé par la suite ( ou en même temps) sur les shonens les plus connus tels que Dragon Ball (Z), Saint Seiya, ou les premiers Gundam.
Gineiden est certes peu connue dans nos contrées, mais au Japon, il s'agit d'une série cultissime n'ayant rien à envier à Star Wars. Et comme toujours, elle génère un nombre conséquent de produit dérivés... Dans lesquels on retrouvera le souci du détail et la profondeur de la série, comme dans les modèles réduits de vaisseaux; et là encore, Gineiden joue dans la catégorie supérieure: lisez donc cet article pour vous en rendre compte! Des produits dérivés luxueux continuent de sortir de nos jours: par exemple un jeu de stratégie (bien sûr) pour PC a vu le jour l'année dernière, et tout récemment encore est paru un guide complet sur l'univers de l'anime. Après plus de 20 ans, la série trouve donc toujours son public, affirmant ainsi son intemporalité...
A l'image du leader impérial, Gineiden honore donc toutes ses ambitions pourtant démesurées. Aucune série n'a autant mérité qu'elle le titre de space-opéra culte. On ne peut qu'espérer qu'elle sorte enfin de l'annonymat; mais clairement destinée à un public éclectique, souffrant une comparaison facile et superficielle avec des séries modernes plus avenantes graphiquement, il n'est pas dit qu'elle se démocratisera complétement. D'autant que son approche très mature et axée sur les dialogues plutôt que sur l'action rebutera les personnes qui ne voient dans les animés qu'un "simple" divertissement. Ceci dit, pas besoin non plus d'être un otaku mélomane expert en géopolitique pour apprécier la saga (même si ça aide): il suffit d'être attentif, et de se prendre au jeu de l'une des histoires les plus magistrales du monde de l'animation Japonaise, qui mérite bel et bien, malgré quelques défauts, le titre de chef d'oeuvre.
Ah, et n'oubliez pas...
Une nouvelle page se tourne dans l'histoire de la Galaxie...